Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/234

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Square s’étoit prononcé d’une façon si énergique, que son silence eût été l’aveu de sa défaite. Il répondit avec vivacité, que M. Allworthy montroit trop de respect pour le misérable intérêt de la propriété ; que quand il s’agissoit de porter un jugement sur de grandes et belles actions, il falloit écarter toutes considérations particulières ; qu’en raisonnant d’après ces règles étroites, le dernier des Brutus seroit un ingrat, et le premier, un parricide.

« Et s’ils avoient été tous deux pendus pour leurs crimes ! s’écria Thwackum, ils n’auroient eu que ce qu’ils méritoient. Fi ! le vilain couple de païens. Grace à Dieu, nous n’avons plus de Brutus aujourd’hui. Abstenez-vous désormais, je vous prie, monsieur Square, de remplir la tête de mes élèves de ce fatras anti-chrétien, sinon je ne pourrai me dispenser, tant qu’ils seront sous ma discipline, de l’en expulser à coups de verges. Peu s’en faut que vous n’ayez déjà perverti votre disciple Tom. Je l’entendois l’autre jour soutenir à M. Blifil, qu’il n’y a point de mérite dans la foi, sans les œuvres. Je sais que c’est un de vos principes : d’où je suppose qu’il le tient de vous.

— Ne m’accusez pas de l’avoir perverti, dit Square. De qui a-t-il appris à se moquer de la vertu, de la décence, de la justice, et de la convenance des choses, de qui, si ce n’est de vous ? Il