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rapporter. On pourra s’en former aisément une idée, d’après le portrait que nous avons fait de Tom et de Blifil, et juger combien le caractère du premier convenoit mieux à Sophie que celui du second. À dire vrai, Sophie, quoique très-jeune, voyoit fort bien que Tom, tout étourdi, tout inconsidéré, tout vaurien qu’il étoit, n’avoit d’ennemi que lui-même, tandis que le grave, le discret, le prudent Blifil, n’aimoit qu’une seule personne ; et l’on devinera, sans que nous le disions, quelle étoit cette personne.

Ces deux caractères ne reçoivent pas toujours dans le monde la louange, ou le blâme qu’ils méritent, et que chacun devroit, ce me semble, leur prodiguer, ne fût-ce que par intérêt personnel. Peut-être y a-t-il, pour cela, un motif politique. Lorsqu’on rencontre un homme d’une bonté parfaite, il est naturel de penser qu’on a trouvé un trésor, et d’avoir envie de le garder, comme tout autre objet précieux, pour soi seul. On craint de s’exposer, par d’imprudents éloges, à partager le fruit d’une découverte qu’on veut se réserver. Si cette raison ne satisfait pas le lecteur, nous ne savons comment expliquer le peu d’égards que l’on témoigne d’ordinaire pour un caractère qui honore la nature humaine, et fait un bien infini à la société.

Sophie ne suivit pas le commun exemple : Tom