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— Non, mademoiselle, et quand j’y pense, je n’éprouve qu’un regret, c’est que l’eau n’ait pas été plus profonde. J’aurois échappé à bien des tourments, que la fortune semble m’avoir réservés.

— Fi ! monsieur Jones, vous ne parlez pas sérieusement. Ce mépris affecté de la vie, part d’un excès de délicatesse. Vous voudriez diminuer ainsi la reconnoissance que je vous dois, d’avoir bravé deux fois la mort pour moi. Prenez garde à la troisième ! » Elle prononça ces dernières paroles avec un accent et un sourire d’une douceur inexprimable.

Jones repartit en soupirant, qu’il craignoit que sa recommandation ne fût trop tardive, puis jetant sur Sophie un regard triste et passionné : « Ô miss Western, s’écria-t-il, pouvez-vous désirer que je vive ? me souhaitez-vous tant de mal ? »

Sophie baissa les yeux, et répondit avec un peu d’hésitation. « En vérité, monsieur Jones, je ne vous souhaite point de mal.

— Oh ! je reconnois bien là ce caractère adorable, cette angélique bonté qui surpasse encore vos charmes !

— Mais, monsieur Jones, je ne vous comprends pas…, laissez-moi, je ne puis rester ici davantage.

— Je ne veux point être compris… je ne puis l’être… Sophie, excusez mon délire… cette ren-