Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vent observé que les sentiments de la sœur, en l’absence du frère, différoient beaucoup de ceux qu’elle avoit exprimés en sa présence. Miss Bridget, au reste, ne la laissa pas dans une longue incertitude. Après avoir fixé un instant ses regards sur l’enfant, qui dormoit dans les bras de mistress Déborah, elle ne put s’empêcher de lui donner un tendre baiser, et déclara en même temps qu’elle étoit charmée de ses graces naïves et de sa beauté. La gouvernante n’eut pas plus tôt remarqué ces témoignages de bienveillance, qu’elle se mit à le presser contre son cœur, et à le baiser elle-même avec autant de passion qu’un agréable et jeune mari en inspire parfois à une sage épouse de quarante-cinq ans. « Ô le cher petit ange ! s’écria-t-elle d’une voix aigre ; ô la douce créature ! En vérité, c’est le plus bel enfant qu’on ait jamais vu ! »

Ces exclamations n’auroient pas fini là, si miss Bridget ne les eût interrompues, pour s’occuper de la commission de son frère. Elle fit préparer tout ce qui étoit nécessaire à l’enfant, et désigna pour le logement de sa nourrice, une des meilleures chambres du château. Quand c’eût été son propre fils, elle n’eût pas poussé plus loin la sollicitude.

De peur que des personnes scrupuleuses ne la blâment de prendre trop d’intérêt à un enfant