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cependant elle trouve en lui des qualités suffisantes pour compenser l’inégalité de fortune, je ne vois nulle raison de blâmer son choix. À mon avis, comme au sien, le bonheur ne consiste pas uniquement dans la richesse. J’avouerai qu’après l’avoir souvent assurée, qu’en fait de mariage, je ne gênerois point son inclination, j’aurois pu m’attendre à être consulté par elle, dans cette circonstance ; mais la matière est délicate, et la modestie a des scrupules qu’il n’est pas facile de vaincre. Quant à votre frère, je n’ai aucun reproche à lui faire, il ne me doit rien ; je ne pense pas qu’il fût obligé de me demander mon consentement, ma sœur, je le répète, étant jouissante de ses droits, et en âge de ne répondre de ses actions qu’à elle-même. »

Le docteur renouvela ses déclamations contre le capitaine, accusa l’écuyer d’un excès d’indulgence pour lui, jura de ne plus le revoir, et de le renier pour son frère. Il fit ensuite un pompeux éloge de la bonté de M. Allworthy, éleva jusqu’au ciel le prix de son amitié, et finit par dire qu’il ne pardonneroit jamais au capitaine de l’avoir exposé à perdre un pareil trésor.

« Quand j’aurois à me plaindre de votre frère, répondit l’écuyer, je ne ferois pas retomber sur l’innocent les torts du coupable ; mais je vous assure que je ne suis nullement blessé de sa con-