une infinité d’officiers avancer à ses dépens, et il éprouvoit maintenant la mortification d’être commandé par des enfants, dont les pères étoient en nourrice, à son début dans la carrière.
Sa mauvaise fortune ne venoit pas seulement du manque de protections. Il avoit eu le malheur de déplaire à son colonel, qui étoit resté nombre d’années à la tête du régiment. Ce n’est pas qu’il se fût attiré sa malveillance par des torts personnels, ou par quelque négligence dans le service. L’inconséquence de sa femme en étoit l’unique cause. Elle avoit une grande beauté, elle aimoit beaucoup son mari ; et malgré toute sa tendresse pour lui, elle n’avoit pu se résoudre à acheter son avancement, au prix de certaines conditions, que le colonel exigeoit d’elle.
Le pauvre homme étoit d’autant plus à plaindre, qu’en ressentant les effets de la haine de son chef, il ne soupçonnoit même pas qu’il eût en lui un ennemi : et comment l’auroit-il deviné, puisqu’il étoit sûr de ne l’avoir jamais offensé ? Sa femme, par prudence, évitoit de l’éclairer. Elle connoissoit la délicatesse du lieutenant sur le point d’honneur, et se contentoit de conserver sa vertu intacte, sans chercher à en tirer vanité.
Ce malheureux officier (on peut bien l’appeler ainsi), avoit, indépendamment de son mérite militaire, d’excellentes qualités. Il étoit bon, hon-