Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/183

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nête, religieux, et s’étoit concilié, par la sagesse de sa conduite, l’estime et l’affection, non-seulement de sa compagnie, mais de tout le régiment.

Au nombre des officiers du détachement, se trouvoit un lieutenant françois qui avoit passé hors de France assez de temps pour oublier sa propre langue, et trop peu en Angleterre pour apprendre celle du pays : de sorte qu’à bien dire, il n’en parloit aucune, et pouvoit à peine se faire entendre dans les circonstances les plus ordinaires de la vie. Il y avoit aussi deux enseignes, encore très-jeunes, l’un sorti de l’étude d’un procureur, l’autre fils de la femme du sommelier d’un grand seigneur.

Après le dîner, Jones entretint les convives de la gaîté qui avoit régné parmi les soldats, pendant la route. « Cependant, ajouta-t-il, malgré leurs bruyants propos, j’oserois parier qu’en présence de l’ennemi, ils se conduiront en Grecs, plutôt qu’en Troyens.

— Les Grecs ! les Troyens ! dit un des enseignes, qui diable sont ces gens-là ? Je connois de nom toutes les troupes de l’Europe, et n’ai jamais ouï parler d’eux.

— Monsieur Northerton, repartit le lieutenant, n’affectez pas une fausse ignorance. Vous avez entendu parler, je suppose, des Grecs et des Troyens, quoique vous n’ayez peut-être point lu