Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/211

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Jones s’imagina que cette chambre communiquoit à une autre ; il en fit le tour, et se convainquit qu’il n’y avoit de porte, que celle par où il étoit entré, et devant laquelle on avoit placé le factionnaire. Il appela plusieurs fois Northerton par son nom, sans obtenir de réponse. Ses cris redoublèrent la frayeur du soldat, qui demeura persuadé, que le volontaire étoit mort de sa blessure, et que son esprit revenoit sur la terre, pour chercher son meurtrier. Le malheureux éprouvoit toutes les horreurs d’une véritable agonie. Nous souhaiterions que les acteurs destinés à jouer le rôle d’un personnage frappé de terreur, eussent été témoins de ses angoisses. Ce spectacle leur auroit appris à imiter la nature, au lieu de s’épuiser en cris forcenés et en horribles contorsions, pour exciter les applaudissements du parterre.

Voyant que l’oiseau étoit envolé, ou du moins qu’il falloit renoncer à le trouver, craignant de plus, avec raison, que le coup de fusil n’eût répandu l’alarme dans l’hôtellerie, notre héros souffla sa chandelle, et regagna en silence sa chambre et son lit. Il n’auroit pu y arriver, sans être aperçu, si tout autre qu’un voyageur affligé de la goutte, eût logé au même étage ; car avant qu’il fût parvenu à sa porte, la chambre que gardoit le factionnaire étoit remplie de gens, les