Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/246

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— Eh bien, je crois qu’il me reste un morceau de bœuf froid avec des carottes, dont vous pourrez vous accommoder.

— Rien de mieux ; mais vous m’obligeriez de le faire réchauffer. »

L’hôtesse y consentit, et lui dit d’un air gracieux, qu’elle étoit ravie de le voir en si bonne disposition. Notre héros avoit, dans les manières et dans le langage, un charme irrésistible. L’hôtesse d’ailleurs, n’étoit pas, au fond, une méchante femme ; mais elle aimoit l’argent avec tant de passion, qu’elle haïssoit jusqu’à l’apparence de la pauvreté.

Pendant qu’on apprêtoit le dîner, Jones remonta dans sa chambre, pour s’habiller. Il y fut suivi du barbier qu’il avoit envoyé chercher. Cet homme, connu sous le nom de petit Benjamin, étoit une espèce d’original. Son caractère plaisant et son humeur railleuse lui avoient attiré maintes et maintes fois de légers désagréments, tels que de bons soufflets, des coups de pied dans le derrière, etc., etc. ; car tout le monde n’entend pas la plaisanterie, et ceux qui se la permettent le plus volontiers, aiment rarement à en être l’objet. C’étoit en lui un défaut incurable ; quoiqu’il en eût été souvent puni, s’il lui venoit à l’esprit un bon mot, il le laissoit échapper, sans égard pour les personnes, pour le temps,