Aller au contenu

Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
TOM JONES.

— Eh bien, je lui ferai la proposition ; mais, gare à lui, s’il me refuse ; il peut compter sur un vigoureux coup de poing.

— Soyez sans inquiétude, le parti est trop avantageux pour qu’il le refuse.

— Je n’en voudrois pas jurer. Allworthy est un original qui ne fait nul cas de l’argent.

— Mon frère, votre politique m’étonne. Quoi ! êtes-vous dupe à ce point des apparences ? Croyez-vous que M. Allworthy méprise l’argent plus qu’un autre, parce qu’il se pique de désintéressement ? Cette crédulité seroit excusable, dans une foible femme ; elle est indigne de ce sexe fort, destiné par le ciel à la politique. Vous feriez vraiment un beau plénipotentiaire, pour négocier avec les François ; ils vous auroient bientôt persuadé qu’ils ne prennent des villes, que dans un système de défense.

— Ma sœur, c’est à vos amis de cour à répondre des villes qu’ils nous laissent prendre. Vous êtes femme, et je ne vous demande point compte de leurs sottises. Je les suppose trop prudents, pour confier leurs secrets à des femmes. »

Il accompagna ces derniers mots d’un sourire si dédaigneux, que mistress Western ne put se contenir davantage. Plusieurs traits de cette conversation l’avoient déjà blessée au vif, dans un endroit sensible. L’habileté qu’elle se croyoit, en