Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/330

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ami, va, cours hardiment une bordée. (Partridge alloit encore demander la signification de ce mot ; Jones lui ferma la bouche.) Choisis bien toutefois tes adversaires. J’aurai soin de t’indiquer de l’œil ceux qu’il est bon d’attaquer. Étant nouveau débarqué dans cette ville, tu pourrois faire une école, et te jouer à un Grec, pensant exploiter une dupe. »

« On apporta la carte, Watson paya son écot et se disposoit à sortir, quand je lui rappelai, non sans rougir, que je n’avois point d’argent. « Qu’importe ? dit-il, le paiement est derrière ta semelle. Échappe-toi de la maison en silence, ou plutôt fais un bruit d’enfer… Mais non, attends, je descendrai le premier. Tu prendras l’argent que je laisse sur la table, et tu t’en serviras pour payer ton écot. Je t’attendrai au coin de la rue. » Je lui témoignai ma répugnance pour cette escroquerie, et lui fis entendre que je m’étois flatté qu’il paieroit toute la dépense ; mais il me jura qu’il n’avoit pas un sou de plus dans sa poche.

« Watson descendit, je pris à regret son argent, et le suivis d’assez près, pour l’entendre dire au garçon que son écot étoit sur la table. Je payai au comptoir, sans proférer un mot, suivant mes instructions, et enfilant précipitamment la rue, je me dérobai aux bénédictions dont le garçon ne manqua sans doute pas de nous combler.