Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/331

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« Nous nous rendîmes au salon de jeu. Je ne fus pas peu surpris de voir M. Watson tirer de sa bourse une grosse somme en or, qu’il étala devant lui, à l’exemple des autres joueurs ; chacun d’eux s’imaginant, sans doute, que son enjeu avoit, comme ces oiseaux dont on se sert pour en attraper d’autres, la vertu d’attirer à soi celui de ses voisins.

« Je ne vous peindrai pas toutes les vicissitudes dont je fus témoin, dans ce temple de la fortune. Des monts d’or s’aplanissoient subitement d’un côté de la table, et s’élevoient de l’autre, avec la même rapidité. En un moment, le riche devenoit pauvre et le pauvre devenoit riche. Un philosophe n’auroit pu trouver une meilleure école pour inspirer à ses disciples le mépris des richesses, ou du moins pour leur en prouver l’instabilité.

« Quant à moi, je fis d’abord un gain considérable, puis je finis par tout reperdre. Il en fut de même de M. Watson. Après une grande variété de chances, il se leva d’un air agité, déclara qu’il avoit perdu cent guinées, et qu’il ne vouloit plus jouer. Il vint ensuite me proposer de retourner à la taverne. Je le refusai net, ne voulant pas, lui dis-je, me mettre une seconde fois dans le même embarras, à présent surtout qu’il étoit aussi dépourvu d’argent que moi. « Bah !