Mais s’il étoit dépourvu du sentiment tendre et délicat, que les attraits et les vertus de Sophie méritoient si bien d’inspirer, il avoit au suprême degré deux passions, auxquelles la richesse de cette jeune personne promettoit une ample satisfaction. C’étoient l’ambition et l’avarice. Elles se partageoient son cœur. Il avoit souvent envisagé la fortune de miss Western, comme un objet digne d’envie, et conçu une espérance vague d’en être un jour possesseur. Sa jeunesse, celle de Sophie, et surtout la crainte que l’écuyer ne se remariât et n’eût d’autres enfants, l’avoient retenu jusque-là dans une prudente réserve.
Cette dernière difficulté, la plus considérable à ses yeux, étoit en partie levée par la démarche de M. Western. Il hésita un moment, et répondit à M. Allworthy, que l’idée du mariage ne l’avoit pas encore occupé d’une manière sérieuse, mais qu’il sentoit trop bien le prix de ses bontés paternelles, pour n’être pas disposé à lui complaire en toutes choses.
M. Allworthy étoit naturellement vif ; il devoit sa modération habituelle à l’étude de la philosophie, et non à un tempérament flegmatique. Doué d’une ame ardente, il avoit épousé par amour, dans sa jeunesse, une très-belle femme. La froide réponse de son neveu lui fit donc un médiocre plaisir. Il ne put s’empêcher de vanter