L’histoire racontée par Blifil ne l’inquiétoit nullement. La plupart des faits en étoient controuvés : quant au reste, l’ayant pardonné et oublié lui-même, il ne soupçonnoit pas qu’un autre en eût gardé le souvenir.
Après le dîner, lorsque les domestiques se furent retirés, M. Allworthy prit la parole, et dans un long discours, il mit sous les yeux de Jones les fautes nombreuses dont il s’étoit rendu coupable, insistant particulièrement sur celles que ce jour venoit de découvrir. Il finit par le menacer de le bannir à jamais de sa présence, s’il ne parvenoit à se justifier.
La position de Jones rendoit sa défense bien difficile. Il savoit à peine de quoi on l’accusoit. M. Allworthy, en rapportant la scène de l’ivresse, pendant sa maladie, en avoit supprimé, par modestie, les détails relatifs à sa personne, détails qui constituoient le principal tort du jeune homme. Jones ne pouvoit nier qu’il ne se fût enivré ; d’ailleurs, abattu comme il l’étoit, et l’ame brisée de douleur, il n’eut pas la force d’articuler un seul mot pour sa justification. Il avoua tout ; tel qu’un criminel réduit au désespoir, il ne sut qu’implorer la clémence de son juge, se bornant à dire, que malgré toutes les imprudences et toutes les folies dont il se reconnoissoit coupable, il croyoit n’avoir jamais rien fait qui méritât un