souffrir qu’on me fît deux fois un pareil compliment. Si le galant le plus huppé s’avisoit de m’outrager de la sorte, je ne le reverrois de ma vie, à moins qu’il ne fût seul de son espèce ; mais, comme je le disois tout à l’heure, il y a le jeune M. Blifil…
— Ne prononce pas ce nom que j’abhorre.
— Eh bien, si mademoiselle ne trouve pas M. Blifil de son goût, elle n’a qu’à dire un mot, il s’en présentera d’autres, et de mieux faits encore. Il n’y a pas dans ce comté, ni dans les comtés voisins, un jeune gentilhomme, qu’un regard favorable de mademoiselle n’engageât à lui offrir ses hommages.
— Quelle idée te fais-tu de moi, Honora, pour me tenir ce langage ? Je hais tous les hommes, sans exception.
— Assurément, mademoiselle a bien sujet de les haïr, après l’outrage que lui fait un misérable bâtard, un mendiant…
— Cessez vos blasphèmes, Honora ; osez-vous bien le traiter ainsi devant moi ? Lui, m’outrager ! Hélas ! en écrivant ces mots cruels, son pauvre cœur a plus souffert que le mien, en les lisant. Ah ! c’est un modèle de vertu, de bonté, de générosité ! Comment ai-je pu blâmer ce qui devoit exciter mon admiration ? Honora, il n’a consulté que mon intérêt ; c’est à mon intérêt seul qu’il a