qu’elle vous procureroit un peu de consolation : sans quoi j’aurois mieux aimé la voir au diable, que d’y toucher.
— Honora, vous êtes une bonne fille, je ne veux pas vous cacher plus long-temps ma foiblesse. J’ai donné mon cœur à un homme qui m’a trahie.
— M. Jones seroit-il ce perfide ?
— Il me dit adieu dans cette lettre, adieu pour toujours. L’ingrat me prie même de l’oublier. S’il m’aimoit, désireroit-il d’être oublié ? Pourroit-il en supporter la pensée ? Sa main auroit-elle eu la force d’écrire un tel mot ?
— Non assurément, mademoiselle. Pour moi, si l’homme le plus riche d’Angleterre me prioit de l’oublier, je le prendrois au mot. En vérité, mademoiselle lui fait trop d’honneur de penser à lui, quand elle peut choisir entre les meilleurs partis du comté. Si j’osois dire ce que je pense, il y a le jeune M. Blifil qui sort d’une famille respectable, et qui sera un jour un des plus riches seigneurs des environs, sans compter qu’à mon gré, il est plus beau et plus poli de moitié. C’est d’ailleurs un jeune homme de bonnes mœurs ; il peut défier les plus méchantes langues de gloser sur son compte ; il n’y a point de bâtardise dans son fait. M. Jones vous prie de l’oublier ! grace à Dieu, je ne suis pas encore assez vieille pour