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chambre se disposa à en faire autant. Elle voulut d’abord s’excuser auprès de sa compagne, de la laisser seule dans un lieu aussi affreux qu’une auberge ; mais celle-ci, qui n’avoit pas moins envie de dormir qu’Honora, l’arrêta tout court et la pria de lui accorder l’honneur de coucher avec elle. Honora répondit que tout l’honneur seroit de son côté. Après force compliments, les deux soubrettes se mirent ensemble au lit, à l’exemple de leurs maîtresses.

L’aubergiste, suivant l’usage des gens de sa profession, ne manquoit jamais de s’informer aux cochers, laquais, postillons et autres, du nom, de la condition, et de la fortune de ses hôtes. On ne sera donc pas étonné que l’air mystérieux de nos voyageuses, et surtout le parti extraordinaire qu’elles avoient pris de se coucher à dix heures du matin, eussent éveillé son attention. Dès que les guides furent entrés dans la cuisine, il commença son interrogatoire accoutumé, leur demandant qui étoient ces dames, d’où elles venoient, et où elles alloient ; mais les guides eurent beau lui raconter fidèlement tout ce qu’ils savoient, leurs réponses redoublèrent sa curiosité, au lieu de la satisfaire.

Notre hôte étoit considéré dans son canton, comme un homme d’une rare sagacité. Il passoit pour voir plus loin et plus avant dans les choses