Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous dis, vous ne serez jamais bonne à rien. »

Susanne partit, et revint bientôt après dire à sa maîtresse que les deux gentilshommes étoient couchés dans le même lit.

« Deux gentilshommes dans le même lit répéta l’hôtesse, c’est impossible. Ce sont, à coup sûr, deux francs pieds plats, et je commence à croire que le jeune écuyer Allworthy n’avoit pas tort, lorsqu’il supposoit au drôle le dessein de voler la dame. S’il n’avoit enfoncé sa porte qu’avec les intentions perverses d’un mauvais sujet de bonne famille, il ne se seroit pas ensuite glissé dans la chambre d’un autre, pour épargner la dépense d’un souper et d’un lit. Ce sont certainement des voleurs ; et la prétendue recherche qu’ils font de je ne sais quelle femme, n’est qu’un prétexte dont ils couvrent leurs mauvais desseins. »

M. Fitz-Patrick ne méritoit point les soupçons injurieux de l’hôtesse. Il ne possédoit pas, il est vrai, un sou vaillant ; mais il étoit réellement gentilhomme : et quoiqu’il n’eût ni l’esprit, ni le cœur exempts de défauts, on ne pouvoit l’accuser de bassesse d’ame, ou d’avarice. Il étoit au contraire si prodigue, qu’il avoit mangé la dot très-considérable de sa femme, à la réserve d’une petite rente viagère placée sur sa tête ; et pour lui ravir même cette dernière ressource, il l’avoit