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porte de l’auberge. L’hôtesse donna ordre à Susanne d’aller ouvrir. Celle-ci revint, suivie de deux jeunes dames en habit de voyage, dont l’une étoit très-richement vêtue. À son aspect, Partridge et son compagnon se levèrent de leurs siéges : l’hôtesse la traita de milady, et n’épargna pas les révérences.

« Permettez-moi, lui dit la jeune dame avec un sourire gracieux, de me chauffer un moment à votre feu. Il fait un froid excessif ; mais j’exige que personne ne se dérange. » Ces mots regardoient Partridge, qui s’étoit retiré à l’autre extrémité de la cuisine, étonné et comme ébloui de la magnifique parure de l’inconnue. Elle avoit encore un meilleur titre à l’admiration : c’étoit l’éclat extraordinaire de sa beauté.

Ayant en vain pressé Partridge de reprendre sa place, elle ôta ses gants et laissa voir deux mains délicates et aussi blanches que la neige. Sa compagne, qui n’étoit autre que sa femme de chambre, imita son exemple, et découvrit deux pattes épaisses et d’un rouge foncé.

« J’espère, dit la suivante, que madame n’a pas dessein d’aller plus loin cette nuit. Ce seroit, je le crains, une fatigue au-dessus de ses forces. »

« Vraiment ! s’écria l’hôtesse, milady ne peut avoir un pareil dessein. Bon Dieu ! aller plus loin cette nuit ! souffrez, milady, que je vous conjure