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suis maintenant tranquille… fort tranquille. » Et elle fondit en larmes.

Au bout de quelques instants, qu’elle employa à pleurer et à s’efforcer de convaincre Honora du calme de son cœur, Susanne vint lui dire que ses chevaux étoient prêts. Une idée vraiment extraordinaire se présenta soudain à l’esprit de notre jeune héroïne. Elle voulut que M. Jones ne pût ignorer qu’elle avoit passé dans l’auberge une partie de la nuit, et qu’il l’apprît de façon que s’il lui restoit une étincelle d’amour pour elle, il fût puni de sa perfidie.

Le lecteur se souvient d’un petit manchon qui a déjà eu l’honneur de figurer plus d’une fois dans cette histoire. Depuis le départ de M. Jones, Sophie ne le quittoit ni le jour, ni la nuit. Dans ce moment même elle l’avoit à son bras. Elle l’en arracha avec indignation, puis écrivant son nom sur un morceau de papier qu’elle y attacha avec une épingle, elle engagea Susanne à le porter sur le lit vide de M. Jones, et la chargea, s’il ne le trouvoit pas à son retour, d’imaginer un moyen de le mettre sous ses yeux dans la matinée. Ayant ensuite acquitté le mémoire du souper d’Honora, où se trouva compris, pour elle-même, celui d’un repas qu’elle n’avoit point fait, elle dit de nouveau qu’elle étoit parfaitement tranquille, monta à cheval, et continua son voyage.