Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/71

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— Morbleu, ma sœur, répondit Western, vous me rendriez fou. Quand m’avez-vous vu de la foiblesse pour elle ? quand lui ai-je laissé faire ses volontés ? Pas plus tard qu’hier au soir, ne l’ai-je pas menacée, si elle me désobéissoit, de la tenir enfermée toute sa vie, dans sa chambre, au pain et à l’eau ? Tudieu ! vous lasseriez la patience de Job.

— Entendit-on jamais pareille impertinence ? Mon frère, si je n’avois la patience de cinquante Job, vous me feriez sortir des bornes de la bienséance et du décorum. De quoi vous mêliez-vous ? Ne vous avois-je pas prié, conjuré d’avoir confiance en moi ? Une seule fausse marche a détruit toutes les opérations de la campagne. Quel père sensé auroit provoqué sa fille, par de telles menaces ? combien de fois vous ai-je dit que les Angloises ne veulent point être traitées comme des esclaves circassiennes ? Nous vivons, en Europe, sous la protection des lois et des mœurs. C’est par la douceur, c’est par les bons procédés qu’on s’assure l’empire de nos cœurs. Les querelles, les injures et la violence n’obtiennent rien de nous. Grace à Dieu, il n’existe point en ce pays de loi salique. Mon frère, vous avez dans les manières une rudesse, que toute autre femme que moi ne pourroit supporter. Je ne m’étonne pas que la frayeur ait poussé ma nièce au parti qu’elle