Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins qu’il n’existe des ames assez infernales pour en trouver une, dans le désespoir et dans la ruine de leurs victimes.

Shakespeare a peint ce vice avec énergie dans les vers suivants :

L’audacieux brigand qui m’arrache ma bourse,
Et soudain loin de moi précipite sa course,
M’enlève peu de chose, ou même presque rien.
C’étoit mon bien hier, aujourd’hui c’est le sien.
Cet or fut et sera de mille autres la proie :
Mais qu’un lâche ennemi, par une oblique voie,
Vienne ravir l’honneur à mon nom qu’il flétrit,
Sans l’enrichir en rien, son crime m’appauvrit[1].

L’honnête lecteur conviendra sans peine avec nous de ces vérités. S’il en trouve l’application au détracteur des livres trop rigoureuse, qu’il considère que les deux espèces de détraction proviennent du même fond de malignité, et ne sont ni l’une, ni l’autre susceptibles d’aucune excuse. Peut-on dire que le dommage causé de cette manière à un écrivain soit léger, quand on songe que son livre est la production de son cerveau, et comme son enfant ?

Le lecteur dont la muse n’a pas encore cessé

  1. Who steals my purse steals trash, ’tis something, nothing ;
    ’Twas mine, ’tis his, and bath been slave to thousands :
    But he that filches from me my good name,
    Robs me of that which not enriches him,
    But makes me poor indeed
    .Shakespeare, Othello.