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d’être vierge, ne sauroit se faire une idée de la tendresse paternelle d’un auteur pour son ouvrage. Nous lui adresserons, en la parodiant, la touchante exclamation de Macduff. « Hélas ! tu n’as point fait de livre ! » Mais celui que sa muse féconde a déjà rendu père, éprouvera une vive émotion, et ne pourra peut-être retenir ses larmes (surtout si sa chère géniture n’est plus), en nous entendant parler des longues fatigues qui précèdent l’enfantement d’un ouvrage, du pénible travail qui l’accompagne, de l’affection et des soins que le tendre père prodigue à son enfant chéri, jusqu’au moment où il le juge en état de paroître dans le monde.

Cet amour paternel n’est pas le pur effet de l’instinct, et ne répugne en rien à la sagesse humaine. Il n’y a point d’enfants de qui l’on puisse dire plus véritablement que des livres, qu’ils sont la richesse de leurs pères. Beaucoup d’entre eux les ont nourris dans leur vieillesse avec une piété toute filiale. Ainsi le détracteur dont le souffle empoisonné fait mourir un livre avant le temps, ne blesse pas moins l’auteur dans son intérêt, que dans ses affections.

Enfin, le détracteur d’un livre est dans le fait celui de l’auteur. Comme on ne peut appeler quelqu’un bâtard, sans traiter sa mère de coquine, de même on ne peut qualifier un livre