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voit eu la moindre pensée d’épouser lady Bellaston.

Sophie eut beau lire et relire cette lettre avec une grande attention, elle ne parvint pas à la comprendre. Son imagination ne lui suggéroit aucun moyen d’excuser Jones. Elle demeura donc très-courroucée contre lui, quoiqu’à dire vrai lady Bellaston eût une telle part à son ressentiment, qu’il en restoit bien peu pour un autre, dans une âme aussi douce que la sienne.

Lady Bellaston dînoit par malheur ce jour-là chez mistress Western ; et Sophie devoit aller dans la soirée avec ces deux dames à l’Opéra, puis au rout[1] de lady Thomas Hatchet. Elle se seroit volontiers dispensée de ce double divertissement ; mais elle craignoit de désobliger sa tante. Quant à l’idée de feindre une indisposition, c’étoit un artifice si contraire à sa franchise naturelle, qu’elle ne lui vint pas à l’esprit. Dès qu’elle eut fini sa toilette, elle descendit, résignée à supporter l’ennui de cette soirée qui fut en effet une des plus désagréables qu’elle eût jamais passées.

Lady Bellaston, sans manquer à la politesse,

  1. L’auteur se sert du mot drum auquel j’ai substitué celui de rout, qu’on prononce raout. Le premier mot signifie tambour, et indique une assemblée bruyante ; le second signifie foule ou cohue, et n’est pas moins usité aujourd’hui à Paris qu’à Londres. Trad.