Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/178

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de Roubaix reçut ordre de la chercher avec solennité, mais les navires portugais pénétrèrent à leur tour dans le port de l’Ecluse, le jour de Noël.

Il est bien difficile de transposer l’impression pittoresque, joyeuse et somptueuse des dernières pages du « Verbal ». Une foule énorme attendait la princesse ; elle eut peine à se frayer un passage ; prélats, seigneurs, bourgeois, députés des villes lui firent visite, sans compter son seigneur et maître le duc Philippe. L’évêque de Tournai vint bénir les époux le 7 janvier, puis on partit pour Damme et enfin on arriva à Bruges. Écuyers et gentilshommes, plusieurs prélats, évêques, abbés, collèges et gens d’église, mendiants, religieux, béguines « à tout croix et reliques », gens de lois et notables bourgeois en belle ordonnance, richement vêtus et telle multitude de peuple que « merveille estoit de voir », se pressèrent au devant de la nouvelle souveraine des Flandres. Elle fut menée en l’hôtel ducal, resplendissant de dressoirs, de vaisselle d’or et d’argent, de tapisseries joyeuses. Philippe avait revêtu une robe de drap d’or et les deux époux se rendirent à la chapelle « tendue de tapisseries et parée et ournée de ymaiges d’or et d’argent et de joyaulx de chapelle, tant et si riches que merveille estoit ». De prodigieux ménestrels se firent entendre durant l’office, les chantres de Monseigneur étant les meilleurs « que l’on peust et seust eslire et trouver ». Puis vint le repas. Après quoi on distribua de la monnaie aux pauvres. À la porte de l’hôtel, un lion de Flandre fluait continuellement de très bon vin, un cerf rendait de l’hypocras et dans la grande salle neuve on voyait une licorne de laquelle « yssoit yaue rose fine ». Les jours suivants on joua et dansa sur le marché de Bruges et le mercredi Philippe fonda l’ordre de la Toison d’Or pour lui et vingt-quatre chevaliers sans reproche et nés en loyal mariage. Le faste de la cérémonie dépassa toute imagination. Je laisse la parole au rédacteur du procès-verbal. Il semble que Van Eyck ait collaboré aux dernières lignes du document : « Longue et ennuyeuse chose seroit et aussi trop difficile de escripre la pluralité et diversité des riches vêtements de drap d’or et d’orfavrie richement ouvrez et fourez ; les escharpes, coliers, fremaulx et joyaulx garniz de pieres précieuses de moult grands valeurs, que mondit Seigneur ot à la dite feste, et aussi les riches et précieux vestements des seigneurs, chevaliers, escuiers et les précieux habiz et atours de dames et demoiselles, de la feste dont y ut moult grand multitude ; les beaux coursiers d’Escoirs et autres chevaulx de pris en très grand nombre ; les riches parures et habiz des paiges ; la grant habondance des viandes, vins et autres vivres, et les autres haulteurs de la dite feste. Briefment, ycelle