Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme je l’ai dit. Mais tandis que l’Italie montre les œuvres de Giotto, de Simone di Martino, d’Ambrogio Lorenzetti, d’Orcagna, d’André de Pise, tandis que la France possède des chefs d’œuvres de sculpture en grande partie exécutés par nos maîtres, nous n’avons hélas ! conservé sur notre sol que très peu d’œuvres de nos artistes du XIVe siècle. Examinons la sculpture d’abord. L’esprit français continue d’inspirer nos maîtres. Si nos imagiers ajoutent un léger accent de maniérisme à la noblesse du XIIIe siècle ce n’est point par oubli de la tradition, c’est que, à l’exemple des maîtres parisiens ils essayent de ranimer les conventions par des raffinements techniques. Cela est sensible dans quelques belles figures de madones et de saintes : la jolie sainte Catherine d’Anderlecht, décapitée malheureusement ; la Vierge du grand portail occidental de la cathédrale de Tournai, simple, noble comme une vierge française du XIIIe siècle, avec quelque trace de maniérisme dans son attitude déhanchée et les escaliers de son manteau ; et la Vierge au portail sud de l’église de Hal, d’une souveraine dignité, avec un visage tragique, et qui serait une œuvre d’exceptionnelle inspiration, si le manteau souple et grandiose à droite, ne montrait à gauche les volutes des maniéristes français, chevauchant les unes sur les autres et formant un amas d’étoffes entremêlées sans naturel. Je ne cite que des figures maîtresses et trop peu connues dans notre pays. Elles disent le mérite éclatant de notre statuaire. Elles prouvent aussi la persistance des traditions françaises sur notre sol.[1]

Notre sculpture monumentale mérite un coup d’œil. Une influence allemande est visible dans les œuvres de la région mosane, notamment dans le curieux portail de Notre-Dame de Huy aux figures d’ailleurs assez déchiquetées. L’inspiration française reparait dans l’Abraham recevant les âmes dans son sein (Notre-Dame du Lac à Tirlemont), dans les Prophètes d’une noblesse un peu convenue du porche occidental de Tournai, dans le saint Germain en bois de Notre-Dame de Huy avec son sourire suave et son corps figé. Quant au Sergent d’armes du Beffroi (musée lapidaire de Gand) faut-il voir dans sa masse terrible la matérialisation des énergies démocratiques naissantes ? La figure date de l’année 1338. Elle reproduit assez fidèlement le costume militaire du temps : timbre conique, haubert de mailles, cubitières, targe et glaive. Tenons-nous enfin une œuvre naturaliste ? Le géant s’élevait à cinquante pieds du sol ; il avait

  1. Dans le prochain chapitre en parlant de maître André Beauneveu nous mentionnerons une admirable sainte Catherine conservée à Courtrai.