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Karel Van Mander, le Vasari des Pays-Bas. Mais Van Mander qui constate avec mélancolie dans les premières pages de son Schilder-Boeck, combien il est difficile d’obtenir des renseignements, « l’esprit des gens, dit-il, étant souvent absorbé par des choses mieux faites pour garnir le garde-manger ». Van Mander en est pour ainsi dire réduit, pour la biographie des deux frères à paraphraser l’ode de son maître Lucas De Heere en y ajoutant quelques renseignements puisés chez Guichardin, Vasari, Van Vaernewyck. Le vénérable chroniqueur du Schilder-Boeck voit lui aussi dans les peintres de l’Adoration des fils de Maeseyck et quand avec la redondance académique d’un vrai romanisant, il exprime son admiration pour le « campinois » Jean, qui contraignit « l’Italie, terre des arts » à envoyer en Flandre « la peinture son propre nourrisson, pour aller s’y abreuver à d’autres mamelles », il remarque d’un même style que la gloire de Jean illustra « la délicieuse rivière de la Meuse, désormais rivale de l’Arno, du Pô, du Tibre impétueux lui-même ». Cette littérature, postérieure de plus d’un siècle et demi au polyptyque, était suspecte aux érudits. En ce qui concerne le lieu d’origine des deux frères, un document découvert par M. de Laborde est pourtant venu appuyer les dires de Lucas de Heere et de Van Mander. Après la mort de Jean Van Eyck, sa fille, que ce document appelle Lyennie (Hennie ou Léonie ?) reçut une somme pour « soy aidier a mettre religieuse en l’église et monastère de Mazeek au pays de Liège ».[1] Le texte ne dit point que Maeseyck fut le berceau de la famille ; mais l’opinion traditionnelle s’en trouve singulièrement fortifiée.

Dans quel milieu Hubert et Jean furent-ils élevés ? Quels furent leurs éducateurs, leur maître ? Nulle réponse à ces questions, et souvent ainsi nous rencontrerons dans leur vie cette obscurité profonde là où nous voudrions trouver de la lumière. Leur père fut-il peintre ? Van Mander l’insinue. « Quoiqu’il en soit, dit-il, que leur père ait été peintre ou non, il paraît que le génie artistique possédait toute la famille ».[2] Ils eurent un frère, Lambert Van Eyck, mentionné dans les comptes de Philippe le Bon et qui reçut en 1430-31 une indemnité « pour avoir esté plusieurs foisz devers M. S. pour aucunes besongnes que M. S. vouloit faire ».[3]

  1. De Laborde. op. cit., t. Ier, p. 395-396.
  2. Livre des Peintres tr. Hymans, p. 26.
  3. Gachard, Rapport sur les archives de l’ancienne chambre des comptes de Flandres à Lille ; 1836 p. 268 ; de Laborde op. cit., t. Ier p. 257.