Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/149

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Prado de Madrid. Dans une architecture imaginée, on voit trôner Dieu le Père entouré de la Vierge, de saint Jean l’Evangéliste, d’anges musiciens. Aux pieds du Père, l’Agneau mystique sous lequel est représentée la Fontaine de Vie. À droite de la vasque gothique les serviteurs triomphants de l’Église, à gauche les serviteurs confondus de la Synagogue. Cette composition n’est que la réplique d’une œuvre originale des Van Eyck, de l’un des Van Eyck qui, pour les critiques d’aujourd’hui serait Hubert. L’ordonnance, les types, les costumes, le système des draperies évoquent le Retable de Gand ; mais l’exécution très inégale ne saurait être imputée aux maîtres de l’Adoration ; Mündler, Waagen, Eisemann y voyaient déjà une composition de Hubert exécutée par un continuateur. C’est aussi la thèse de M. Weale, lequel s’appuie sur un passage de Ponz, auteur du Viage d’España (Madrid 1783) qui a vu l’original de la Fontaine de Vie sur l’autel de la chapelle Saint-Jérôme dans la cathédrale de Palencia et qui en donne une description complète. Ponz admire l’œuvre et son style dans la manière de Dürer ; il ajoute qu’il a vu quelques copies infiniment moins bien exécutées (infinitamente distantes de la exacta execusion de esta). L’irréalité de l’architecture, l’absence de physionomies néerlandaises fortifient en M. Weale l’idée que la conception est tout entière de Hubert.

2° Les Trois Marie au Sépulcre (Galerie Cook à Richmond ; fut exposé aux Primitifs de Bruges). Sur le tombeau vide un ange, revêtu de l’aube et l’étole, s’adresse aux Saintes Femmes tandis que les légionnaires dorment d’un sommeil profond. Dans une échancrure de rochers une ville vers laquelle serpente un chemin avec de nombreux piétons et cavaliers. On voit dans le bas, à gauche, un écusson entouré du collier de saint Michel ; ce sont les armoiries de l’historien Philippe de Commines qui fut propriétaire des Trois Marie et les surchargea de cet ornement héraldique. M. Weale donne cette œuvre à Hubert parce que les soldats n’ont pas le type néerlandais et parce qu’il découvre dans le paysage la fameuse chamærops humilis. M. Hulin estime cette œuvre très différente des créations de Jean. Les édifices des arrière-plans sont noyés dans l’atmosphère rougeoyante de l’aurore ou de la fin du jour. Or, au XVe siècle « l’attention du peintre ne se porte pas sur la lumière ni la couleur changeante. Il suppose plutôt un éclairage normal ». Nous verrions au contraire dans ce souci des colorations atmosphériques un progrès, assignant à l’œuvre une date postérieure. Ce n’est point l’avis de M. Hulin : « Je pense dit-il qu’il faut l’attribuer à Hubert ». C’est aussi l’avis de M. Otto Seeck et de M. Durrieu lequel a fait remarquer que la