Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/169

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et en la compagnie de M d S. de Roubais ».[1] Ces dernières lignes sont des plus importantes. Elles vont nous permettre d’évoquer une page infiniment pittoresque et mal connue jusqu’à présent de la vie de Jean Van Eyck.

Philippe le Bon avait perdu sa seconde femme Bonne d’Artois en 1425. Veuf sans enfant, il décida de se remarier. Messire Jean de Roubaix fut chargé de négocier l’union de son souverain Monseigneur de Bourgogne avec l’infante Isabelle, fille de Jean I, roi de Portugal. Jean Van Eyck accompagna l’ambassadeur pour faire à Lisbonne le portrait de la princesse. Nous avons un récit de l’expédition et il existe même deux rédactions de ce récit, l’une en portugais conservée à la Bibliothèque Nationale de Paris, l’autre en français déposée dans les Archives royales de Belgique. Quelle est la version originale ? La portugaise, disait de Laborde, tandis que Gachard, Reiffenberg, Warnkœnig désignaient la française. En réalité, le manuscrit primitif, rédigé sans doute par Jean de Roubaix, est perdu. Le document de Bruxelles est une copie de la fin du XVe siècle, très fidèle, qui a l’allure et la précision d’un récit contemporain. Il est intitulé d’ailleurs : « Copie du verbal du voyaige de Portugal ». Inséré dans le registre de la Chambre des Comptes de Brabant, il comprend dix grandes feuilles, soit vingt pages d’une belle calligraphie qui réserve de larges blancs entre les alinéas. Gachard a publié la précieuse relation dans ses Documents concernant l’histoire de la Belgique.[2] Je conseille la lecture de ces pages à ceux qui veulent à tout jamais fixer dans leur esprit un tableau animé de l’époque de Jean Van Eyck et voir vivre le grand peintre dans son milieu.

Le duc Philippe étant resté sans lignée de ses deux premières femmes, prit conseil et résolut de se mettre derechef en « l’ordre de mariage » avec la très noble dame, Madame Elisabeth, infante du très excellent, puissant et victorieux prince, le roi Jehan de Portugal et d’Algarte, seigneur de Cepte. L’infante est appelée Elisabeth dans le verbal du voyage, alors que les lettres du temps lui donnent le nom d’Isabelle, consacré par l’histoire. Ayant arrêté son projet, Monseigneur Philippe constitue une « légation », sous la direction d’un sien noble chevalier, féal et privé serviteur, messire Jehan, seigneur de Roubaix et de Herzelle, son conseiller et premier chambellan. Furent désignés pour accompagner l’ambassadeur : le chevalier Baudouin de Lannoy dit le Bègue, seigneur de Moulembais, gouverneur de Lille ;

  1. De Laborde, op. cit. t. I, p. 251.
  2. T. III de la page 60 à la p.91.