Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/172

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Laborde en mentionnant la note de l’inventaire de Marguerite d’Autriche, relative au portrait de « portugaloise » va jusqu’à supposer que Jean Van Eyck n’avait fait que dessiner le visage de l’Infante pendant son séjour à la cour de Portugal et qu’il aurait ensuite peint le portrait à son retour dans les Flandres. Mais les termes du « verbal » démentent cette hypothèse puisque les ambassadeurs firent paindre la princesse, bien au vif. Tout ce que l’on pourrait accorder c’est que Jean sur panneau préparé, dessina d’abord minutieusement le portrait à la tempera au moyen du pinceau, suivant la méthode que nous enseignera la Sainte Barbe, et que le maître attendit d’être rentré à Bruges pour poser ses couleurs. Dans les œuvres conservées du grand peintre, les tons proprement dits sont toujours à base de vernis oléagineux. Cette règle, sans doute, n’allait point sans exception puisque le portrait de l’Infante était « fait sans huelle » ; on a des raisons pourtant de croire qu’il était coloré. Un portrait de la collection Abbegg, à Mannheim, était tenu pour une copie du tableau de Jean. La jeune princesse, habillée à la mode portugaise, était vêtue d’une robe rouge garnie de martre et tenait dans la main droite une image de son patron saint Nicolas.[1]

En attendant que leur parvint la réponse de Monseigneur Philippe, Jehan de Roubaix, Baudouin de Lannoy, André de Tholonjon, Baudouin Dognies, Albrecht bâtard de Bavière, Grignan Landas, Hector Sackespies et autres gentilshommes et familiers, se rendirent à Saint Jacques en Galice, « de là alèrent » visiter le duc d’Ayonne, le roi de Castille, le roi de la ville de Grenade Mahomet II — « et plusieurs autres seigneurs, pays et lieux ». Peut-être Jean Van Eyck les accompagna-t-il ? Nous n’en sommes pas certains ; il n’est point cité et l’on ne peut que supposer sa présence parmi les gentilshommes et autres familiers. Aussi n’oserions-nous pas trop insister sur l’impression que l’artiste dut éprouver devant les palmiers, aloès, lauriers-roses et cactus d’Andalousie, les mosquées et les types africains de Grenade, ville des Abencérages. Il serait tout de même piquant que le grand peintre mystique eût présenté ses hommages à Mahomet II, et cette entrevue ferait penser au voyage de Gentile Bellini à Constantinople… Mais peut-être est-il plus

  1. Un autre portrait d’Isabelle de Portugal, fut peint en 1450 (après la mort de Jean Van Eyck) et se voyait encore en 1521, dans la collection Grimani de Venise. Cette princesse figure également dans une ancienne peinture, exécutée en 1448 sur une paroi de l’ancienne Boucherie de Gand. Cette œuvre à l’huile serait du peintre gantois Nabur Martins (?). Elle représente la Nativité et l’on voit à l’avant-plan Philippe le Bon, Isabelle de Portugal, leur fils le comte de Charolais et le jeune Adolphe de Clèves, seigneur de Ravenstein. Une restauration récente empêche tout jugement sur le style de cette œuvre.