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Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/223

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Partout éclatent son énergie, son irréductible virilité où ne se mêle rien d’agressif ni de laborieux. Sa foi d’artiste — qui est en dernier examen une liante vertu humaine — reste entière à toutes les minutes de sa production. La constante harmonie de ses forces se soutient sans peine et, par une grâce divine, conserve sa plénitude jusqu’au dernier jour. La conscience de Jean Van Eyck est un diamant que rien n’entame. Dieu en fit don aux hommes en un jour à jamais heureux.

Mais ne dit-on point que le maître fut dépourvu d’esprit mystique ? Le reproche est singulier, formulé par notre époque, la seule à laquelle on puisse contester le droit de juger des choses du ciel. Jean Van Eyck ne se perdit point dans l’extase du rêve, laquelle n’est qu’une des nuances du mysticisme ; obéissant à sa nature flamande, il contempla la réalité, mais il ne s’absorba pas moins, ne tendit pas moins toutes les ressources de son être vers un objet idéal. Peignant la vie, il oubliait sa vie ; peignant les choses de la terre, il était le desservant d’une tâche divine. Là est le vrai signe du mysticisme. Son amour de la Création en fait le plus religieux des peintres, et si d’autres furent aussi pénétrés des joies sublimes de l’art, aucun maître ne le fut plus constamment, avec un bonheur plus simple, plus franc, plus pur.