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Photo Hanfstaengl
Hubert et Jean Van Eyck
Les Juges Intègres
Volet du Retable de l’Agneau
(Musée de Berlin)

l’oratoire de Marie. C’est l’heure vespérale du Mystère. Un demi-jour tiède entre par l’étroite fenêtre du fond, éclaire la petite niche où brillent quelques ustensiles de cuivre, enveloppe le prie-Dieu et le bréviaire, tandis qu’un rayon perdu joue avec l’eau de la carafe posée sur le balcon de l’antichambre. Les premières arcades s’ouvrent sur une sorte de loggia voûtée et c’est au delà seulement que l’on aperçoit une rue dont les maisons projettent de grandes ombres. L’Ange et Marie sont traités dans le style sculptural des deux figures en grisaille, sans ressembler toutefois à des images de pierre. Le visage de Marie est admirable de confiance, de foi, d’émotion.

Entre les deux figures, deux panneaux plus étroits complètent le décor de l’Annonciation. D’un côté, un petit tabernacle avec un plat, une bouilloire de cuivre et une serviette ; le tout voilé d’inexprimables rousseurs. D’autre part, au delà d’un balcon où montent deux colonnettes accouplées par le plus adroit des architectes et reproduites par le plus hardi des peintres, on voit un coin de ville. On a cru pouvoir identifier ce site avec la rue Courte du Jour de Gand, et comme Judocus Vydt possédait trois hôtels dans ces parages, on a dit que Jean Van Eyck était venu terminer le Retable à Gand, avait transformé en atelier le second étage de la demeure personnelle du Mécène, et reproduit pour son Annonciation le décor patricien et le site gantois offerts à ses yeux.