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parmi les incarnations de l’Ancien Testament qui figurent l’Annonciation, et là aussi nous la voyons avec l’inscription : Et : P : Secla : Futur.[1].

La sibylle d’Erythrée, avec son turban blanc rayé de bleu, est comme accroupie dans son ample robe blanche bordée d’or. Son inscription dit : « Nil mortale sonans afflata es numine celso. » — « Ne prononçant aucune parole humaine, tu es inspirée par la divinité d’en haut. » — devise à peine modifiée d’un vers de Virgile[2].

Le caractère de ces quatre figures supérieures diffère du style des autres parties extérieures des volets ; on y peut voir l’œuvre de quelque disciple d’Hubert travaillant sous la direction de Jean, car il est certain que toutes les parties que nous avons analysées jusqu’à présent ne furent exécutées qu’en dernier lieu.

L’extérieur est néanmoins la préface de l’événement exalté à l’intérieur ; il prédit l’Adoration de l’Agneau par la présence :

1° des sibylles, prophétesses païennes,
2° de Michée et de Zacharie, prophètes du monde juif,
3° de Gabriel qui annonce à Marie le prochain avènement du Messie,
4° de Jean-Baptiste, le Précurseur immédiat de l’Agneau, celui qui le premier fit savoir qu’il était venu,
5° de Jean l’Évangéliste, lequel dans l’Apocalypse, a révélé le signe éternel de l’Agneau dans le Ciel.

Il est plus que probable que la conception de cette sorte de préface n’avait rien d’original ; les maîtres de cette époque vivaient de traditions profondes mais familières ; leur génie gardait toutes ses forces pour l’exécution. Nous avons cité l’exemple de la sibylle de Cumes ; les sibylles et les prophètes formaient en outre le chœur obligé du prologue dans les mystères du moyen âge. On multiplierait les exemples. L’extérieur du polyptyque porte la trace d’un symbolisme artistique déjà vénérable ; de même il faudrait remonter aux premiers siècles chrétiens, aux peintures des catacombes, aux premières mosaïques représentant l’Agneau, debout sur une colline verdoyante d’où sortent les quatre fleuves du Paradis, pour retrouver les ancêtres augustes du Retable de Gand[3].

Déployons les volets et admirons combien la disposition matérielle

  1. Cf. Em. Mâle, L’Art religieux du XIIIe siècle en France, 2e éd. Paris, 1902, p. 179-181.
  2. Éneïde, liv. VI, vers 50.
  3. Voir par exemple la planche 252 dans G. Wilpert : Le pitture delle Catacombe romane, Rome, 1903.