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« engiens d’esbatement » qui procuraient aux invités de Monseigneur des surprises archiducales, comme de les noircir soudain ou de les doucher copieusement. Melchior peignit quelques-uns des engins et dirigea les huchiers qui les réparaient. En 1387 il travailla au char de la duchesse Marguerite de Mâle, puis il entreprit la décoration de la flotte de Monseigneur, à l’ancre dans le port de l’Ecluse. Le navire du duc fut recouvert d’or et d’azur. La tente dressée à l’arrière s’orna de six grands écussons où l’on voyait les armes de Bourgogne et des comtés. Les voiles portaient la devise ducale : Il me tarde, et de larges bandes d’étoffes qui étaient semées des initiales du duc et de la duchesse « P. M. » et fleuries de marguerites, — emblèmes de Marguerite de Mâle, duchesse de Bourgogne. Quatre grands étendards de mer avec trois pavillons, soixante bannières, trois mille oriflammes devaient faire jouer au vent les mêmes initiales et devises. Broederlam avaient conçu tous les modèles. Il les exécuta avec le concours d’un grand nombre de brodeurs et de peintres.

Le tout était terminé en 1389. On rembourse alors au maître yprois les frais d’un voyage qu’il avait fait d’Audenaerde à Dijon où il était allé chercher certaines étoffes pour un « harnoy de joustes » de Monseigneur. Entre les années 1390 et 1393 il réside de nouveau à Hesdin ; il s’occupe cette fois non plus des engins, mais de la décoration du château, peint une gloriette et diverses salles — on ne sait comment et fournit des dessins pour ce genre de carreaux émaillés que les vieux inventaires appellent : carreaux peints et jolis, carreaux de painture, carreaux à ymaiges, carreaux à devises et à pleine couleur. L’infatigable Melchior abandonne un moment sa tâche et court à Paris ; mais c’est, dit le receveur du duc Philippe « afin de besoingnier pour la feste que le Roy notre sire y tint ». Le roy notre sire c’était Charles VI le bien aimé, Charles VI le pauvre fol.

Après quoi Melchior rentre à Ypres. Il y possède une maison ; il a des rentes. Il dirige un atelier réputé au loin. L’un de ses élèves vient de Bologne ; c’est Hugues, fils de Laurent, peintre défunt de Philippe le Hardi. Melchior atteint le sommet de sa carrière et c’est alors seulement que Monseigneur de Bourgogne va lui fournir l’occasion de produire un chef d’œuvre : le retable de la Chartreuse de Dijon.

Le duc Philippe ayant vu à l’église de Termonde et à l’abbaye de la Biloque de Gand des « taveliaux d’autel », c’est-à-dire des retables, ouvrés de tailles de bois et décorés d’images peintes, voulut en posséder de semblables. Il en commanda deux en 1390 à Jacques de Baerze, huchier à Termonde. Les deux retables furent transportés en 1392 à Champmol, près de