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Dijon, près du palais ducal, un hôtel et un atelier. En vérité la demeure de l’imagier, pour être la propriété de Monseigneur, manquait un peu de confort et l’on y dut procéder à des réparations constantes. Le logis était toutefois très pittoresque et M. Kleinclausz en a fourni une description précise.[1] La maison, séparée de la rue par une cour et un mur de clôture, se présentait de derrière ; la façade donnait sur des jardins. Pour surveiller l’entrée et la sortie de ses disciples, le maître s’était réservé un atelier particulier vers la porte de la rue ; l’ouvroir des disciples était distinct et comprenait plusieurs loges. L’hôtel des imagiers possédait en outre une forge de façon à pouvoir réparer les outils à l’atelier même. Les matériaux qui entraient chez Sluter étaient conservés avec d’extrêmes précautions : c’étaient des pierres blanches de Bourgogne, Asnières, Tonnerre, de l’albâtre ou bien encore des marbres de Dinant et de Liège. On les pratiquait à l’atelier et le maître achevait ensuite l’œuvre sur place. Telles étaient les coutumes et les usages admirables des artistes de ce temps.

Jean de Marville avait occupé le même hôtel ; Sluter y vécut d’abord comme ouvrier à deux francs par semaine ; ensuite comme maître pendant quinze ans ; c’est là qu’il exécuta tout d’abord les statues du Portail commandées à son prédécesseur.

Voici l’ordonnance du Portail : au centre la Vierge debout, tenant l’enfant Jésus dans le bras gauche ; des deux côtés les statues agenouillées de Philippe le Hardi et Marguerite de Mâle ; derrière le duc, la statue de saint Jean-Baptiste ; derrière la duchesse, sainte Catherine. Sous les figures des princes et de leurs patrons, des culs de lampe ou consoles où se voient des marmousets à longues barbes munis de philactères ; au-dessus du duc et de la duchesse des clochetons faisant office de dais.

Très admirées par les uns, très discutées par les autres, les statues des patrons sont probablement les premières que Sluter exécuta pour le Portail. La facture en est assez lourde ; dans le saint Jean-Baptiste les plis du manteau forment, non seulement sous le bras, mais sur tout le corps un réseau de sillons profondément creusés et assez fatigant. Les têtes sont expressives et populaires ; les deux statues sont exécutées avec fougue, d’un ébauchoir puissant qui garde le contact de la vie même dans ses excès.

L’image de la Vierge est bien de la même main ; la sûreté de la

  1. Art. cit. Gazette des Beaux-Arts. 1901. T. I.