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donation par laquelle nous apprenons que le duc, en 1399, avait fait remettre soixante écus au sculpteur à l’occasion du Puits des Prophètes, nous dit aussi qu’à la fête de Pâques de la même année Nicolas Sluter avait fait « une griefve et périlleuse maladie » qui lui avait occasionné grandes dépenses « en physiciens et apothicaires ». Il est tout à fait vraisemblable que le maître, accablé d’immenses travaux, ne réussit point à triompher des suites de cette crise. Philippe le Hardi eut beau lui faire remettre en 1403, une somme de cent écus « de grâce spéciale pour les bons et agréables services qu’il lui avait faits chaque jour et qu’il espérait encore en obtenir, » Sluter avait besoin de repos et avait résolu d’en prendre.

En 1404 il abandonna ses fonctions officielles qui passèrent à son neveu Claes Van de Werve et la même année, trois semaines après la mort de Philippe le Hardi, il se retira, non à la Chartreuse de Champmol, comme on l’a dit, mais au monastère de Saint-Etienne de Dijon. Il y fut admis en quelque sorte comme frère laïque. On mit à sa disposition une chambre occupée auparavant par un certain Hugues Vassant ; il était libre d’aller, de venir, de prendre ses repas en ville, de quitter le monastère, sauf à s’y trouver aux heures des messes, prières et oraisons ; il pouvait garder un domestique à son service tout en mangeant au réfectoire conventuel et en se mêlant à la vie des religieux ; il avait droit toutes les semaines à vingt-huit michottes ou petits pains et à une pinte et demie de vin, mesure de Dijon. On ne lui demandait en échange que de soutenir partout la bonne renommée du monastère.

Cette vie monacale n’était point toutefois une retraite définitive. Entré à Saint-Etienne de Dijon en avril 1404, Sluter dès le mois de juillet de la même année affirme son désir de sculpter encore, en signant avec Jean sans Peur un contrat par lequel il s’engage à terminer la sépulture du duc défunt. Il est probable toutefois que sa santé chancelante réduisait fort son activité. Il vivait encore le 13 mai 1405, nous assure M. Prost : « Un acte passé devant un notaire de Dijon constate en effet que ce jour-là, le célèbre imagier s’acquitta, entre les mains de l’abbé de Saint-Étienne de Dijon, des vingt francs dont il restait redevable envers l’abbaye. »[1] C’était la somme qu’il avait pris l’engagement de verser aux religieux pour assurer à ses vieux jours le vivre, en même temps que la mystique douceur des cloîtres. Il mourut au commencement de l’année 1406. La gloire de ses œuvres emplit tout le XVe siècle français et cent ans plus

  1. Chronique des Arts. Document inédit sur Clans Sluter.