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la Vierge)[1] ; l’architecture remarquable et la décoration sculpturale sont exécutées sous l’impression directe du merveilleux décor des Sept Sacrements ; de même certains types du beau retable tournaisien reparaissent parmi les nombreux personnages de ce diptyque. Le choix du sujet et quelques physionomies font d’ailleurs penser au maître de Flémalle, tandis que le coloris avec ses partis pris nouveaux de lumière et d’ombre remet en mémoire à la fois la Madone du Musée de Bruxelles (no 650) et le triptyque Edelheer de Louvain. L’influence du maître sur les sculpteurs brabançons de retables est également à noter. Van der Weyden, comme tous les peintres du XIVe et du XVe siècle, fut employé souvent à des travaux d’estoffaiges de statues. (En 1439 il polychrome un monument votif pour le couvent des Récollets de Bruxelles, et en 1461 il expertise un étoffage exécuté par Pierre Coustain). Sculpteur ou non il est en commerce étroit avec les imagiers et tout naturellement leur art devait se nourrir de son génie.

Nature douce, élevée, aspirant aux interprétations mystiques, ne retenant du drame que des émotions épurées et pleines de caractère, Roger van der Weyden a suivi une autre voie que Jean van Eyck. Ses visions restent plus imprégnées du grand lyrisme médiéval ; l’individualisme marqué, le naturalisme extraordinairement affirmatif qui font de Jean van Eyck le maître par excellence du nouvel art septentrional n’ont point soumis Roger van der Weyden à leur loi. Pour mieux dire, le grand peintre wallon n’a pas accepté toutes les hardiesses de l’école brugeoise. Son sentiment est plus traditionnel, un peu timide parfois dans la réalisation, mais toujours extrêmement pur et haut quant à l’objet à fixer. Son idéal ne s’arrête point à la vérité formelle ; il la dépasse et, malgré les imperfections et les ingénuités de forme, va rejoindre une beauté supérieure. Par là Roger van der Weyden se montre le successeur de la grande école de sculpture médiévale, — non des imagiers tournaisiens considérés comme les précurseurs du réalisme septentrional, — mais des maîtres sublimes du XIIIe siècle français. Est-ce à dire qu’il ne connut point cet amour tyrannique de la réalité positive où l’école flamande trouva sa grandeur ? Il s’est nourri de cet amour comme tous les peintres de nos régions, mais, ainsi que nous l’avons montré pour les Sept Sacrements, il a su maintenir en parfaite harmonie ses tendances mystiques et son besoin de réalité. Une vertu conciliatrice dominait son génie ; elle s’est répandue dans ses œuvres et c’est là peut-être la cause de leur extraordinaire popularité. Le XVIe siècle lui ren-

  1. Cf. pour ce tableau G. de Loo, Catalogue de l’exposition des Primitifs, p. 8, et H. Hyrans, l’Exposition des Primitifs à Bruges, Gazette des Beaux-Arts, t. XVIII, 8 fév. p. 194.