Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

entrevu « le genre » comme domaine spécial de l’art. En effet, en 1449 il peignit son Saint Éloi (collection Oppenheim, Cologne), tableau daté et signé qui appartint jadis à la Confrérie des Orfèvres d’Anvers et qui est une œuvre très peu religieuse, bien que le personnage principal soit un saint. Deux fiancés viennent acheter un anneau à saint Éloi qui tient boutique, — une boutique remplie d’objets infiniment curieux pour les folkloristes. C’est une scène de mœurs racontée par un chroniqueur adroit, loquace, qui vise à de nombreux effets et les obtient (les ombres projetées par les accessoires, la perspective du décor sont très justes) mais à qui sont refusées l’ampleur et l’unité du récit. En 1452 Christus peignit un diptyque conservé au Musée de Berlin et composé de trois parties : sur le volet de gauche le Jugement dernier, sur celui de droite, dans la partie supérieure l’Annonciation, dans la partie inférieure la Nativité. Le Jugement dernier est une réplique d’une composition singulièrement hardie que conserve l’Ermitage et qui est attribuée à Hubert van Eyck. Derrière le saint Michel dressé au centre de la composition, Christus montre la mer et donne une illusion de lointain qu’aucun néerlandais n’avait à ce point réalisée avant lui. L’Annonciation fait penser à Roger van der Weyden, la Nativité au maître de Flémalle ; les deux compositions sont pleines de douceur et dans la seconde le paysage avec ses ondulations boisées, ses chemins en lacets que bordent des châteaux crénelés, est d’un maître qui sent toute la grâce de la nature et la traduit avec un charme très personnel. Une Madone de l’Institut Staedel, à Francfort, (1457) serait la dernière en date des œuvres connues de P. Christus. On lui a trouvé une grande ressemblance avec la Madone de Lucques de Jean van Eyck (également à l’Institut Staedel) à cause d’un certain tapis autour duquel la critique s’est livrée à de vives controverses. Une tradition voulait que Christus eût hérité de tout le matériel remplissant l’atelier de Jean van Eyck, qui était tenu pour son maître. Et l’on croyait que Christus avait reproduit dans ses œuvres des accessoires familiers à l’illustre peintre du chanoine van der Paele. Mais Jean van Eyck était mort depuis quatre ans lorsque Christus obtint le droit de bourgeoisie à Bruges, et le tapis de la Madone de Christus n’a point la coloration chaude, la disposition somptueuse de celui de la Madone dite de Lucques… En réalité la ressemblance de ces deux Vierges est toute dans l’imagination de ceux qui les rapprochèrent.

Petrus Christus a peint des portraits, et le catalogue de ses œuvres datées s’ouvre même par un Portrait d’homme de 1446 (collection Earl de Verulam, Londres). On lui attribue également un spirituel portrait de jeune femme au Musée de Berlin (dit de Lady Talbot), un portrait de jeune homme de la collection Salting, etc.