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Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/43

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brugeois de 1499) ; elle fait partie d’un diptyque que l’on attribuait jadis par erreur à Memlinc. (Fig. XI). Si la copie est fidèle, on constate une tendance de Jean van Eyck à affiner son type féminin. Mais le copiste, tout en surveillant sa facture, n’a point la sûreté infaillible du maître ; les petits carreaux du dallage, ornés d’agneaux passants, ne sont pas dessinés avec une très grande fermeté. L’artiste remédie d’ailleurs à ces faiblesses par un sentiment très fin des valeurs et de la lumière[1].

La célèbre petite Sainte Barbe du Musée d’Anvers (Fig. XII) est signée et datée Iobes de Eyck me fecit 1437. Ce n’est qu’une préparation de tableau. Karel van Mander nous dit — et nous n’avons pas de peine à le croire — que les ébauches de Jean étaient plus complètes que les travaux d’autres artistes, et il signale à ce propos un panneau inachevé « extraordinairement joli » qui appartenait à son maître Lucas de Heere. C’est la Sainte Barbe qui dit si bien, malgré ses petites dimensions, à quel point Jean éprouva la joie d’enfermer un vaste espace dans un petit cadre. Une tour immense qui proclame le génie « architecturiste » du maître, s’inscrit dans le ciel ; aux pieds du géant des ouvriers s’agitent, poussent des brouettes, transportent des matériaux, taillent, martèlent, roulent des pierres ; des curieux, des dames, des seigneurs à cheval circulent sur le chantier, tandis qu’au haut de l’édifice des hommes déposent des blocs hissés par la grue. Dans le fond, d’une part, une colline, de l’autre côté une ville fantastique étagée en pyramide. Sainte Barbe est assise au centre, étalant les cassures multiples de sa robe sur toute la largeur du panneau. Et dans son visage pensif, qu’encadrent des cheveux légèrement crépus, s’accentue la spiritualisation du type féminin annoncée par la Vierge dans l’Église.

Le panneau de la Sainte Barbe est en bois de chêne entièrement recouvert d’un fond crayeux ; seul le ciel est peint en azur avec une légère teinte de pourpre. La composition proprement dite — personnages, paysage, tour — est finement dessinée au pinceau, avec une couleur brune. Les ombres sont indiquées par des hachures, également dessinées par conséquent. Le fond est sans doute une préparation à la gomme ou au blanc d’œuf ; les parties dessinées sont exécutées à la tempera ; le ciel n’exigeant pas de dessin avait été peint directement à l’huile. Il restait au maître à poser sur les parties dessinées ses tons colorés à base d’ambre, de mastic, peut-être aussi de sandaraque, mélangés de siccatif et que la térébenthine avivait au dernier moment. Les couleurs ainsi combinées avec un vernis huileux, Jean van Eyck sans doute procédait par glacis successifs, reprenant le travail du modelé pour chaque couche nouvelle, gardant aux dessous leur sonorité, dosant si admirablement ses matières

  1. Nous parlerons plus tard du volet représentant le donateur de cette réplique : Chrétien de Hondt, 30e abbé des Dunes, — ainsi que des deux revers du diptyque, le tout exécuté probablement en 1499.