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Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/76

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rien ne proclame mieux la grandeur des van Eyck que l’infériorité de la belle réplique du Raphaël flamand. L’inégalité est flagrante entre le peintre du duc de Bourgogne et celui du roi d’Espagne. En mutilant le roi des Retables, notre époque, qui parle volontiers de beauté, a prouvé sa barbarie foncière avec autant d’éclat qu’en arrachant les marbres du Parthénon. Comment pourrions-nous songer sans douleur à cette profanation ? Le Retable de l’Agneau est l’évangile des peintres flamands, l’aurore éternellement lumineuse de l’art moderne ; il n’est pas seulement le chef-d’œuvre d’une école et d’une race, c’est le plus grand acte de foi que connaisse l’histoire de l’art. Rien n’est plus recueilli, plus émouvant, plus suave et plus précieux que cette

 …claire et tendre et divine légende
Avec ses fleurs de sang, d’ardeur et piété !


S’il est vrai, comme le rapporte van Mander, qu’aux jours de fête la foule affluait devant le chef-d’œuvre au point qu’on ne pouvait s’en approcher, et que les peintres jeunes et vieux et les amateurs d’art affluaient dans la chapelle de Josse Vyt « comme par un jour d’été les abeilles et les mouches volent par essaims autour des corbeilles de figues ou de raisins », avouons que nos temps sont pauvres d’enthousiasme, car où sont les « essaims » d’antan ? Et le bon vieux chroniqueur du Schilderboek trouverait avec raison que notre conscience scientifique compense mal l’indigence de notre sentiment…