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258 LES PRIMITIFS FLAMANDS

scils quant aux places el aux patrons d'un arc de triomphe à ériger pour congratuler le prince d'Espagne lors de sa Joyeuse-Entrée en ville. » Enfin remarquons aussi (i) que le groupement des figures est très analogue à celui des saintes conversations de Giovanni Bellini, et que l'on trouverait difficilement un second exemple de celte disposition parmi les œuvres flamandes du xvi* siècle.

En 1548, Lancelol Blondeel signe une œuvre — un vrai tableau cette fois — que conserve le musée d'Amsterdam : le Martyre d'un saint '^saint Boniface?). La scène se déroule dans un paysage accidenté où surgissent des ruines antiques rappelant le Colisée. Ces édifices démantelés, envahis par la végétation, s'entourent de collines rocheuses telles que les aimèrent nos lomhardisants du xvi* siècle. Les personnages sont au premier plan ; un cavalier, à gauche, remet en mémoire la figuration hippique de Y Adoration des Mages de Vinci. Le coloris, cette fois, est très fin, et l'artiste harmonise avec bonheur les tons chauds des murailles rouillées et des feuillages d'au- tomne. Au romantisme d'Henricus Bles s'ajoute je ne sais quelle ampleur romaine. « Il avait un vrai talent pour peindre des ruines et d'autres sujets d'architecture » dit van Mander de Bondeel. On peut se demander — et les sources italiennes de son esthétique sont assez nombreuses pour autoriser la question, — si maître Lancelot connut l'Italie. MM. Hulin et Waele pensent qu'il la vit tout au début de sa car- rière. Le second découvre même chez Blondeel des réminiscences de Raphaël que nous y cherchons en vain... Tout enthousiaste qu'il fût des nouveautés méridionales, Lancelot Blondeel restait cependant l'admirateur sincère des gloires traditionnelles. Nous avons dit naguère avec quel soin, au dire de ses contemporains, il restaura le "Retable de l'Agneau (2). Scorel et lui furent chargés de nettoyer le divin chef-d'œuvre et s'étant acquittés en toute conscience de leur travail, ils « baisèrent dévotement le retable en plusieurs endroits (3) ». Disons, entre parenthèse, que les paysages de certaines œuvres attribuées à Scorel (le David tuant Goliath, notamment, du Musée de Dresde) offrent les plus grandes ressemblances avec les fonds monta- gneux du tableau de Blondeel, le Martyre d'un saint, d'Amsterdam ; et nous pensons bien que malgré tout leur respect pour le polyptyque des van Eyck, Blondeel et Scorel n'ont pas pu s'empêcher d'introduire dans le chef-d'œuvre, d'y glisser — oh ! bien discrètement — un échantillon de leur art de paysagistes. Dans le volet des Chevaliers du Christ, au-dessus des hautes roches et par delà le bois où se dresse une sorte de beffroi quadrangulaire, on peut en effet remarquer (étonnons-nous qu'on ne l'ail pas

(1) Avec M. Bautier.

(2) Voir notre chapitre III p* 19.

(3) Van Vaehniwyck. Dit HMorie can Belgis, etc.