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habituellement que deux petits verres de vin, consommer sans hésiter plus d’une demi-bouteille ; que d’autres, dont l’usage était de boire une demi-bouteille, en avaient pris une et demie, et qu’en définitive, à la fin du repas, il avait été obligé de faire chercher beaucoup plus de voitures qu’à l’ordinaire pour reconduire les convives chez eux[1]. »

Le docteur Reid eut soin, — autant, nous voulons le croire, dans l’intérêt de la science que par devoir de politesse, — de faire prendre des nouvelles de la santé de ses convives, et il nous assure que non-seulement on n’eut à déplorer aucun accident à la suite de ce festin, mais que ses hôtes même ne s’étaient pas aperçus de l’infraction commise aux règles ordinaires de leurs repas.

Le docteur Reid fait à ce sujet une autre remarque assez piquante :

« Dans le salon où la ventilation est mauvaise, où les appareils d’éclairage versent dans l’air leurs produits de combustion, la conversation languit, elle est peu intéressante, les gens se trouvent réciproquement peu d’esprit, les dames se plaignent d’une diminution d’attentions à leur égard, et l’on consomme fort peu de vins et de gâteaux ; dans ceux, au contraire, où l’air arrive pur et en abondance, les belles phrases et la gaieté pétillent, le contentement est parfait de toutes parts, le thé est trouvé excellent, et aussi la cave du maître et son buffet. »

Sous une forme quelque peu excentrique, ces observations démontrent qu’une bonne ventilation est nécessaire au libre exercice de l’intelligence, comme à celui de toutes les fonctions. Un littérateur, un savant qui s’enferme dans un cabinet de dimensions exiguës, avec des fenêtres constamment fermées, et dans lequel l’air ne se renouvelle pas, ne peut trouver des inspirations aussi heureuses, un travail aussi facile ni aussi léger, que celui qui dispose d’une vaste pièce, largement et continuellement aérée.

Nous recommandons, comme règle hygiénique de la plus haute importance, à toutes personnes vouées aux occupations de l’esprit, de ne travailler que dans une pièce de grande capacité. Tout le monde, surtout à Paris, ne peut pas avoir un vaste cabinet de travail, mais tout le monde, en travaillant, peut ouvrir sa fenêtre, pendant huit mois de l’année. C’est là ce que nous conseillons à nos lecteurs, comme résultat d’une longue expérience personnelle.

Nous emprunterons au docteur Reid, l’observation d’un fait qui met bien en évidence l’utilité de la ventilation pour la santé des hommes occupés à des travaux corporels.

Un industriel anglais possédait une usine dont les ouvriers souffraient grandement du manque d’air. Il se décida à ventiler son établissement. Or, il arriva bientôt que la santé de ses hommes s’étant améliorée et leur appétit ayant augmenté, la paye qui subvenait auparavant à tous leurs besoins devint insuffisante. Les ouvriers réclamèrent une augmentation de salaire, et force fut au propriétaire de l’usine de leur accorder cette augmentation.

Ce que le docteur Reid n’ajoute pas, mais ce que nous devinons, c’est que les ouvriers, mieux nourris, fournirent un travail plus considérable, et que le maître de l’usine fut ainsi récompensé de sa bonne et charitable inspiration.

Au reste, il n’est pas aujourd’hui de propriétaire d’une usine importante, qui ne comprenne toute l’utilité d’une bonne ventilation de ses ateliers, et qui ne se mette en mesure de faire profiter ses ouvriers d’un avantage hygiénique qui tourne en définitive au profit de ses propres intérêts.

Une communication faite le 24 mai 1869, à l’Académie des sciences, par M. le général Morin, met cette proposition en parfaite évidence. Nous emprunterons au journal la Science pour tous le résumé du mémoire de M. le général Morin.

« Dans le courant du printemps de 1868, dit ce journal, M. Fournet, l’un des plus honorables industriels de Lisieux, fit établir un système de ventilation pour assainir un vaste atelier de tissage qu’il

  1. Reid, Illustration of the Theory and Practice of Ventilation. London. 1844.