Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans la pratique, les problèmes en apparence les plus simples, il faut, dit M. Pradez, consulter et imiter la nature.

Or, que fait la nature pour rafraîchir la tête du nègre, appelé à vivre dans la zone torride ? Elle lui donne une chevelure crépue que le soleil frappe sans parvenir jamais jusqu’au crâne. Dès que l’air emprisonné dans ses cheveux s’échauffe plus que l’air ambiant, la ventilation s’opère d’elle-même, d’une manière naturelle et régulière. Le nègre qui reste tête nue se trouve mieux protégé contre l’ardeur des rayons solaires, que l’Européen avec son chapeau.

Faisons l’application de ce principe aux gares de nos chemins de fer. Il suffirait de garantir les couvertures métalliques contre le soleil, de la même manière que nous garantissons les fleurs de nos serres contre la gelée, c’est-à-dire par des rouleaux de paille ou de chaume, d’un mètre de longueur et d’une épaisseur convenable. On établirait simplement au faîte des toits, un abri en zinc, pour préserver ces rouleaux de paille contre les intempéries de l’air, pendant la saison froide. L’abri de tôle longerait le faîte et les bords du toit ; les couvertures y resteraient enroulées jusqu’à ce qu’on en eût besoin. Dans la saison des grandes chaleurs, on enverrait des hommes d’équipe les dérouler. Il est à peu près certain qu’avec ce nouveau moyen les chaleurs de 48° ne se produiraient plus dans les gares.

« Ayant habité le Brésil pendant vingt-deux ans, dit M. Pradez, je sais ce que c’est que la chaleur du soleil. Dans les courses que j’eus l’occasion de faire dans l’intérieur, je me suis souvent arrêté sous des toits de chaume, en m’extasiant toujours sur la fraîcheur relative que procure ce genre de toiture. En effet, comme dans le cas de la chevelure du nègre, le soleil échauffe la couche extérieure de la paille, mais n’y pénètre pas, car plusieurs couches d’air s’interposent entre ses rayons et la toiture métallique, et dès que ces couches d’air deviennent plus chaudes que l’air ambiant, une ventilation naturelle les remplace et les renouvelle. »

La dépense de quelques rouleaux de paille serait peu de chose, et la toiture de zinc se conserverait mieux sous un pareil abri. Le moyen de M. Pradez, analogue dans ses effets à la double toiture proposée par M. Regnault, aurait donc l’avantage d’être plus simple et moins coûteux.

Ce qui empêche d’ordinaire l’emploi des toits de chaume, c’est la crainte de l’incendie. M. Pradez ne s’est pas dissimulé cet inconvénient. Mais il pense que si on peut rendre le bois et les tissus incombustibles par l’application de certains procédés chimiques, rien ne nous dit que ces mêmes procédés ne pourraient pas être appliqués avec avantage à la préparation des couvertures de paille. Comme, d’ailleurs, les gares sont ordinairement isolées et leurs toits assez élevés, comme les locomotives marchent toujours lentement au départ et à l’arrivée, ce qui diminue beaucoup le danger provenant de la projection des étincelles, on voit que les nattes de paille ne seraient pas fort exposées.

Au surplus, on n’aurait à se préoccuper de ces risques que pendant deux mois de l’année seulement. Les compagnies des chemins de fer, qui dépensent des sommes énormes pour l’architecture et l’embellissement des gares, pourraient bien aussi songer enfin à la question hygiénique, et faire quelques légers sacrifices dans l’intérêt des voyageurs et des employés. Pourquoi ne ferait-on pas l’essai du moyen ingénieux que propose notre correspondant ? Les frais ne seraient pas considérables, et on serait bientôt fixé sur la valeur de ce moyen si simple et si commode.

En résumé, des expériences particulières seraient nécessaires, si l’on voulait fixer la valeur des différents procédés que nous venons de faire connaître pour arriver à rafraîchir les maisons et les édifices publics pendant l’été. Si l’on songe aux souffrances auxquelles le Parisien qui reste dans la ville, pendant l’été,