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canons de fusil pleins d’eau, et il s’émerveillait de la puissance des effets explosifs qui se produisaient ainsi. Comme il avait longtemps réfléchi aux moyens de découvrir quelque force motrice autre que celle du vent, des ressorts ou des chevaux, sa jeune imagination s’enflamma à l’idée de créer un nouveau moteur avec la vapeur d’eau.

Cependant il ne tarda pas à apprendre que les mécaniciens avaient déjà tiré parti de cette force motrice. La description d’une machine de Newcomen qui lui tomba sous la main, et la lecture de quelques ouvrages abrégés sur les machines à condenseur, le mirent au courant de l’état de la science sur cette question.

Il s’étonna, à bon droit, que l’on n’eût encore employé que pour faire le vide un agent dont la puissance lui semblait sans limites, et, sur cette donnée, il s’appliqua à combiner des machines nouvelles dans lesquelles la vapeur agissait par sa seule élasticité, et se perdait dans l’air après avoir exercé sa pression. Il construisit divers modèles de ce nouveau genre de machines, dans lesquels la vapeur agissait jusqu’à la tension de dix atmosphères.

C’est en appliquant ses idées sur la haute pression, qu’Olivier Évans imagina, en 1782, ces admirables moulins à farine mus par la vapeur, dont les États-Unis ont retiré et retirent encore de si grands services. Il essaya bientôt après de construire, suivant les mêmes principes, une voiture marchant par l’effet de la vapeur.

Malgré des efforts laborieusement continués pendant plus de vingt ans, Évans ne put réussir à faire adopter ses idées. Il revint donc aux travaux ordinaires de sa profession de constructeur de machines à vapeur, et se consacra d’une manière spéciale à fabriquer des machines à haute pression. Il fonda à Philadelphie de grands ateliers pour leur confection ; son fils dirigeait à Pittsburg un établissement analogue. Les nombreux appareils qu’il répandit dans les États-Unis finirent par démontrer avec évidence la vérité, trop longtemps contestée, de ses assertions, et bien que cet enthousiaste inventeur s’exagérât beaucoup la puissance des effets dynamiques de la vapeur à haute pression, on peut dire que c’est à lui seul qu’il faut rapporter l’honneur des innombrables services que ce genre de machines rend de nos jours à l’industrie.

Cependant Olivier Évans ne devait pas être témoin de l’extension prodigieuse que ses idées ont reçue. Le 11 mars 1819, un incendie considérable réduisit en cendres son établissement de Pittsburg, et anéantit pour plus de 100 000 francs de machines. Ce désastre fut pour lui le coup de la mort. Il expira quatre jours après.

Les machines à haute pression ont eu beaucoup de peine à s’introduire en Europe, et la lutte a duré longtemps entre la machine à condenseur, sortie des ateliers anglais, et la machine à haute pression d’origine américaine. La machine de Watt, création éminemment nationale, s’était pour ainsi dire identifiée avec l’industrie de la Grande-Bretagne, qui avait engagé dans son exploitation des capitaux immenses. Elle était dès lors un obstacle naturel à l’adoption des machines américaines. Cependant il était difficile de méconnaître les avantages de ces appareils, qui ne demandent qu’un emplacement exigu, suppriment l’encombrement excessif qu’entraîne le condenseur, et, avec un mécanisme des plus simples, développent une puissance extraordinaire.

Les mécaniciens Trevithick et Vivian ont les premiers introduit en Angleterre l’usage des machines à haute pression. Ils commencèrent dès l’année 1801, à en construire quelques-unes ; mais ce n’est que dans les années 1825 à 1830 que ce genre d’appareil se répandit sérieusement en Angleterre. Le constructeur Maudslay leur ayant donné une forme élégante par l’adjonction d’une bielle articulée, qui remplaçait avantageusement l’énorme balancier de Watt, cette circonstance donna