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et apparents à l’extérieur. Aux tiges verticales de ces pistons étaient attachées des chaînes de fer, qui, par le mouvement d’ascension et d’abaissement de ces tiges, s’enroulaient autour d’une large poulie, et, se réfléchissant sur la gorge de cette poulie, allaient faire tourner chacune, l’axe de l’une des roues du bateau.

La figure 90 montre ces dispositions. On y voit les deux cylindres à vapeur, la poulie qui les surmonte, et les deux chaînes qui vont faire tourner l’axe des deux roues.

Ce système était vicieux en raison de la difficulté pratique que présente le déroulement continuel d’une chaîne de fer comme moyen de transmission de la force. Aussi les essais qui furent faits par Symington, en décembre 1789, en présence de Patrick Miller et des ingénieurs de l’usine de Carron, furent-ils de tous points défavorables.

Le premier jour, les palettes des roues du bateau se rompirent pendant la marche. On les construisit avec plus de solidité, et l’on reprit les mêmes essais, peu de jours après. Mais ce furent alors les chaînes qui se brisèrent, par l’action inégale et saccadée de la vapeur.

En résumé, cet essai échoua complétement.

À la suite de ces résultats défavorables, Miller, dégoûté de l’entreprise, ordonna de démonter le bateau, et de renvoyer la machine à l’usine de Carron, pour essayer de s’en défaire.

La lettre suivante adressée par Patrick Miller à James Taylor, le 7 décembre 1789, prouve suffisamment qu’il considérait son projet comme avorté.


« Mon cher Monsieur,

« Je suis de retour chez moi depuis la nuit dernière, et vous pouvez aisément vous imaginer que j’ai été bien préoccupé de ce qui s’est passé mercredi et jeudi à Carron. Je suis maintenant convaincu que la machine à vapeur de M. Symington serait la plus impropre de toutes les machines à vapeur pour imprimer le mouvement à un bateau, et que cet ingénieur n’a nullement su calculer le frottement, ni tenir compte de l’intensité de la force mécanique.

« Je ne doute pas qu’en construisant plus solidement les roues à palettes et avec un pignon d’un diamètre double, on n’augmentât la rapidité du bateau. Mais quoi qu’on fasse avec l’appareil de M. Symington, la plus grande partie de la force sera perdue par les frottements. Je me rappelle fort bien que lorsque la machine fut essayée à Dalswinton, sur notre petit bateau, j’avais eu les mêmes appréhensions sur la valeur de cette machine, et que je vous en fis la remarque ; mais n’ayant pas étudié le sujet, je mis de côté mon propre sens commun et vous laissai agir.

« Maintenant le mal est sans remède. Comme cette machine ne peut à présent être d’aucun usage pour moi, j’espère qu’avec l’aide de M. Tibbets et de M. Stainton, vous trouverez à la vendre avant de quitter l’usine de Carron. Je désire apprendre bientôt ce qu’il en sera. Sachez bien que les chaînes de fer de la machine qui se brisèrent dans les deux expériences successives que nous en fîmes, se briseraient encore si on ne leur donnait pas plus de force, et que ce fut une folie extrême de ne pas comprendre tout de suite que leur résistance n’était pas suffisante pour soutenir l’effort des autres parties de la machine.

« P. Miller. »

L’opinion de Patrick Miller lui-même sur la valeur de l’expérience que nous venons de rapporter, ne peut être mise en doute d’après cette lettre. Miller déclare la machine de Symington la plus impropre de toutes les machines à vapeur pour imprimer le mouvement à un bateau, et il s’accuse d’avoir mis de côté le « sens commun », en consentant à l’essayer. Il est certain que l’emploi de chaînes de fer pour mettre en mouvement l’arbre des roues du bateau, était une conception très-vicieuse ; et que la machine ainsi construite, n’aurait jamais pu fonctionner.

Après l’essai qu’il fit, en 1789, de la machine de Symington, Patrick Miller renonça complétement à s’occuper de la navigation par la vapeur. Il donna tous ses soins à de vastes entreprises d’exploitation agricole, qui l’absorbèrent jusqu’à la fin de sa vie.

Quant à James Taylor, ses fonctions de précepteur étant accomplies, il quitta, en 1791, la maison de Patrick Miller, qu’il ne revit, depuis cette époque, qu’en de rares occasions. De son côté, Taylor lui-même ne