Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peine arrivé à Édimbourg, il reçut à la fois la nouvelle de la mort du duc de Bridgewater et la notification de la résolution définitive prise par l’assemblée des propriétaires du canal, de renoncer à tout emploi de la vapeur comme moyen de traction.

Incapable de lutter contre de tels obstacles, Symington renonça pour jamais à son projet favori. La Charlotte Dundas fut donc reléguée sur le canal, près du pont tournant de Braindfort, où elle demeura, pendant des années entières, tristement abandonnée aux regards des passants et des curieux[1].

D’après les écrivains anglais, c’est dans les circonstances que nous venons de rappeler, que Fulton prit une connaissance détaillée de ce bateau, et s’inspira avec profit, de l’examen de sa machine à vapeur. Ces écrivains ne s’accordent pas sur la date précise de la visite faite par Fulton à la Charlotte Dundas. On ne peut cependant mettre le fait en doute d’après les témoignages qui ont été produits à cette occasion.

Dans son ouvrage sur la Navigation par la vapeur (On steam Navigation), M. Bovie rapporte, à ce propos, un document de la plus grande importance : c’est la déposition du chauffeur de la machine qui assistait à cette visite de Fulton, faite en juillet 1801[2]. Voici le texte de cette pièce :

« Il arriva un jour, en juillet 1801, pendant que Symington faisait ses expériences pour lord Dundas, qu’un étranger se présenta à bord du canal et demanda à visiter le bateau. Cet étranger se nommait Fulton, il s’annonçait comme de l’Amérique du Nord, pays vers lequel il allait bientôt retourner. Il dit qu’ayant entendu parler des expériences de notre bateau à vapeur, il n’avait pas voulu quitter l’Écosse sans faire une visite à Symington, espérant obtenir l’autorisation de visiter sa machine, et de recueillir quelques renseignements sur les principes de sa construction. Fulton fit observer que quelle que fût l’utilité de la navigation par la vapeur pour la Grande-Bretagne, son importance serait bien supérieure encore pour l’Amérique du Nord, en raison du grand nombre de lacs et de rivières navigables que l’on y trouve, de l’abondance des bois de construction et du bas prix du combustible. Il crut devoir dire, en outre, que si M. Symington pouvait faire construire en Amérique de semblables vaisseaux, ou seulement en autoriser la construction, il se chargerait de cette mission. M. Symington, cédant aux désirs et à l’insistance de l’étranger, fit allumer le fourneau et mettre le bateau en mouvement. Plusieurs personnes montèrent dans le bateau avec M. Fulton, et furent transportées depuis le loch no 16 jusqu’à environ 4 milles à l’ouest, et le bateau revint à son point de départ dans l’espace d’une heure vingt minutes, ce qui correspond à une vitesse de 6 milles à l’heure, à la grande surprise de M. Fulton et des autres personnes présentes.

« M. Fulton demanda et obtint la permission de prendre des notes et une esquisse de la forme, des dimensions et du mode de construction du bateau, qui lui furent communiqués par M. Symington. »

Le même auteur cite encore le témoignage de deux des spectateurs du même fait, Robert Dundas et Robert Weir, qui assistaient à la visite de Fulton, et confirment par une déposition analogue, l’exactitude des assertions qui précèdent[3].

Nous ne mettons pas en doute la visite de Fulton à la Charlotte Dundas, ni les utiles renseignements que l’ingénieur américain

  1. William Symington obtint en 1825, sur la cassette du roi, une somme de 100 livres sterling ; et un an après, une somme de 50 livres, comme récompense de ses travaux sur la navigation par la vapeur. Il avait inutilement demandé une pension au gouvernement. Dénué de ressources, il fut soutenu pendant les dernières années de sa vie, par quelques amis, en particulier par lord Dundas, et les propriétaires du bateau à vapeur de Londres.

    James Taylor, qui était l’un des premiers entré dans la même voie, mourut sans avoir ressenti les effets de la reconnaissance de son pays. Seulement, à sa mort, sa veuve obtint une pension viagère de 50 livres sterling, accordée par lord Liverpool. En 1837, chacune des filles de Taylor reçut une dot de 50 livres sterling par le crédit de lord Melbourne.

    Quant à Patrick Miller, qui pouvait aussi faire valoir ses droits comme coopérateur dans l’œuvre de la navigation par la vapeur, il ne réclama jamais aucune récompense. Sa fortune, qui lui avait permis de consacrer plus de 30 000 livres sterling à la recherche d’inventions utiles à la marine, le dispensa de toute sollicitation auprès du gouvernement.

  2. Nous ferons remarquer que cette date de 1801 prêterait beaucoup à la discussion, car Fulton se trouvait en France à cette époque, et ne partit qu’en 1804 pour l’Angleterre. Aurait-il fait expressément le voyage ? C’est ce qu’il faut admettre pour donner toute créance à ce document.
  3. Ces dernières pièces sont rapportées dans l’ouvrage de M. Woodcroft, p. 64-67.