Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le deuil pour un certain temps, et le Congrès de l’État de New-York, qui siégeait alors à Albany, le porta pendant trente jours. C’est le seul exemple d’un témoignage de ce genre accordé, en Amérique, à un simple particulier qui n’occupa jamais aucune fonction publique, et ne se distingua du reste de ses concitoyens que par ses talents et ses vertus. Toutes les autorités de New-York assistèrent à son convoi, et la frégate à vapeur tira, en signe de deuil et d’honneur, pendant le passage du cortége.

Il faut pourtant ajouter, pour rester fidèle à la vérité, que les compatriotes de Fulton laissèrent, après sa mort, sa famille en proie à des embarras pécuniaires, qui résultaient de l’inexécution des conventions passées entre le Congrès des États-Unis et l’inventeur de la navigation par la vapeur.



CHAPITRE V

la navigation par la vapeur transportée en europe. — son établissement en angleterre. — la comète de henry bell, en écosse. — service régulier de bateaux à vapeur établi en angleterre. — les bateaux à vapeur appliqués aux transports sur mer. — premiers essais de navigation à vapeur en france. — le charles-philippe lancé à bercy, par le marquis de jouffroy. — le premier bateau à vapeur venu à paris, à travers la manche. — le premier navire à vapeur en afrique, récit de m. léon gozlan.

L’Europe ne pouvait demeurer indifférente à ce qui venait de s’accomplir aux États-Unis. Si la marine à vapeur offrait à l’Amérique des avantages immenses, par suite de la configuration de son territoire, les nations européennes, en raison de l’activité, de l’importance et du nombre de leurs relations mutuelles, devaient en obtenir des services non moins étendus.

Ce n’est qu’en 1812, cinq ans après le succès de Fulton aux États-Unis, que les bateaux à vapeur commencèrent à s’introduire dans la Grande-Bretagne. Un mécanicien écossais, Henry Bell, construisit, à cette époque, un bateau à vapeur, la Comète, qui fit un service de transports sur la Clyde, entre Glasgow et Greenock. Ce n’était guère là néanmoins qu’une sorte d’essai préliminaire, car la machine à vapeur de ce bateau n’avait que la force de trois chevaux.

La Comète de Henry Bell, qui fut lancée pour la première fois sur la Clyde, en Écosse, le 18 juin 1812, n’était du port que de 30 tonneaux. Ce bateau à vapeur, le premier qui fît en Europe un service régulier pour le transport des voyageurs, avait 40 pieds de longueur et 10 pieds 1/2 de largeur. Sa machine, qui différait peu par l’ensemble de ses dispositions de celle du célèbre bateau de Fulton, le Clermont, mettait en action deux roues, placées aux deux côtés du bateau. La figure 100 représente ce bateau d’après l’ouvrage de M. Woodcroft.

Les efforts de Henry Bell pour établir en Écosse la navigation par la vapeur dataient de plusieurs années. Déjà en 1800 et 1803, il avait adressé, sans succès, des demandes à l’amirauté anglaise, pour entreprendre d’après ses vues, et aux frais de l’amirauté, des essais de navigation par la vapeur. L’amirauté ayant fermé l’oreille à ses demandes, il adressa la description de ses appareils à plusieurs gouvernements de l’Europe et à celui des États-Unis d’Amérique.

Ce que Fulton et Livingston avaient fait en Amérique, pour y établir la navigation par la vapeur, Henry Bell essaya de le faire dans la Grande-Bretagne. Il fut le premier, en Europe, à faire accepter l’emploi de la vapeur dans la navigation fluviale et maritime.

D’après les lettres rapportées par M. Woodcroft[1], Henry Bell se serait trouvé en correspondance avec Fulton, qui, de retour en Amérique, l’aurait prié de lui transmettre des renseignements exacts sur le bateau à vapeur

  1. A sketch of the origin and progress of steam navigation, from authentic documents, by Bennet Woodcroft. In-8o, London, 1848, p. 83.