Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/348

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Quoi qu’il en soit, le tracé adopté pour cette voie souterraine, part de la commune des Fourneaux, près de Modane, en Savoie, court du N.-N.-O. au S.-S.-E., et va aboutir à Bardonnèche, petit village d’Italie, situé à environ 40 kilomètres de Suze. Il suit, à peu de distance, le col d’Arionda et le col de la Roue. Les deux points choisis pour les extrémités du tunnel, sont éloignés de 12 200 mètres. Ils correspondent à peu près à la partie la plus étroite de la chaîne des Alpes, à savoir, au faîte qui sépare les vallées de l’Aar et de la Doria, lesquelles suivent deux pentes parallèles et opposées. Le point culminant de la montagne à percer, s’élève à 2 950 mètres au-dessus du niveau de la mer.

L’entrée du tunnel à Modane, est située à une altitude de 1 200 mètres, celle de Bardonnèche à 1 330 mètres, ce qui fait une différence de niveau de 130 mètres. Pour racheter cette inégalité énorme, on donne à la voie, du côté italien, une pente de 5 millièmes, et du côté français, une inclinaison de 23 millièmes ; de sorte que le milieu du tunnel est un peu plus élevé que l’entrée de Bardonnèche. La crête de la montagne se trouve au-dessus de ce point, à une hauteur de 1 600 mètres.

Le tunnel aura deux voies, 8 mètres de largeur, et 6 mètres d’élévation.

Les roches qu’il s’agit de traverser, sont beaucoup plus dures à Modane qu’à Bardonnèche. À Modane, on a trouvé des poudingues et des quartzites ; puis viennent 3 000 mètres de calcaires compacts, et enfin, du côté de Bardonnèche, des calcaires schisteux assez tendres.

La dureté plus grande de la roche, jointe à l’absence de machines, a beaucoup retardé les travaux du côté français, pendant qu’ils avançaient assez vivement du côté italien, où les chutes d’eau de la Doria et de quelques autres torrents, permettaient d’installer les compresseurs hydrauliques de M. Sommeiller. Cependant M. Sommeiller a fait construire pour Modane, un autre appareil, approprié aux ressources naturelles dont on pouvait disposer à cette station. C’est un compresseur à double effet qui fonctionne sous l’action seule de la faible chute d’eau de 5m,60 qui existe à Modane. L’emploi de cet appareil doit accélérer les travaux.

Les puissants compresseurs employés au percement du tunnel des Alpes, peuvent débiter, par heure, 25 000 mètres cubes d’air comprimé, quantité suffisante, dit-on, pour renouveler l’air intérieur, et dont une faible partie seulement est nécessaire pour faire mouvoir les pics qui labourent la roche. Chaque perforateur creuse une dizaine de trous de 0m,90 en six heures. Pour faire sauter les mines et déblayer les décombres, résultant de l’explosion, il faut encore quatre heures. On avance donc, en moyenne, de 0m,90 en dix heures, ou de 1m,80 par jour. Deux mille ouvriers, mineurs, maçons, cantonniers, tailleurs de pierre ou mécaniciens, travaillent nuit et jour des deux côtés du tunnel, se relayant de huit en huit heures.

Il est difficile d’assigner d’avance une limite à la fin des travaux ; mais s’il ne survient aucune difficulté imprévue, on espère que tout sera terminé en 1872.

Quand cette œuvre grandiose sera achevée, on se rendra de Paris à Turin en 22 heures, de Paris à Milan en 27 heures. On pourra dire alors qu’il n’y aura plus ni Pyrénées ni Alpes.

D’après un récent rapport de M. Sommeiller, à la fin de l’année 1863, on avait percé 2 322 mètres du côté de l’Italie et 1 763 mètres du côté de la France ; ce qui donne un total de 4 085 mètres : juste un tiers de la longueur totale du tunnel. Depuis le 1er janvier 1865 jusqu’au 1er janvier 1866, on a percé 1 147 mètres en plus, ce qui fait en tout 5 232 mètres. Mais le travail est maintenant arrêté par une masse de granit où l’on n’avance qu’avec une vitesse inférieure d’un tiers à la vitesse ordinaire.