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verait à peine 1 voyageur mort sur 6 millions de voyageurs.

Les résultats constatés à l’étranger, dépassent même ce dernier chiffre. On a trouvé en Belgique, que, dans un espace de quatorze ans, il n’y a eu qu’un voyageur tué sur 8 861 804 voyageurs transportés, et un seul blessé sur près de 2 millions de voyageurs !

En Prusse, les résultats sont plus rassurants encore. Là on n’a compté, par un relevé embrassant quatre années d’exploitation, que 1 voyageur tué sur 21 millions de voyageurs et 1 blessé sur plus de 3 millions de voyageurs.

Dans la Grande-Bretagne, d’après des relevés qui remontent à 1840, on a reconnu 1 voyageur tué sur 5 256 290 voyageurs et 1 blessé sur 330 945 voyageurs.

Si, en France, les résultats paraissent moins satisfaisants qu’à l’étranger, cela tient à ce que la période considérée embrasse, comme nous l’avons dit, deux accidents qui ont entraîné un nombre considérable de victimes. Mais quand on fait abstraction de ces deux événements, on constatera pour la France un nombre d’accidents tout aussi insignifiant que ceux de l’étranger.

Le bureau de statistique des chemins de fer, au Ministère des travaux publics, a publié le relevé des accidents des chemins de fer arrivés pendant les douze mois de l’année 1865. Sur 71 millions de voyageurs qui ont circulé pendant cet intervalle, sur nos chemins de fer, on a compté seulement 5 voyageurs tués, en d’autres termes, 1 voyageur tué sur environ 15 millions de voyageurs. Les mêmes relevés ont fait reconnaître que sur 9 millions de voyageurs, un seul a été blessé.

Il faut ajouter que, par les précautions minutieuses qui sont prises, et par suite des améliorations qui sont apportées à la surveillance de la voie, ces accidents finiront par devenir presque entièrement nuls.

Nous ajouterons un dernier trait à ce tableau rassurant. Des renseignements qui ont été communiqués à M. Perdonnet, et qui sont rapportés dans son Traité des chemins de fer, il résulte que chaque jour, 5 personnes périssent dans les rues de Paris, par suite d’accidents de voiture. C’est juste le chiffre de morts par accidents survenues dans un intervalle de 10 ans, sur le chemin de fer de l’Est.

Ce dernier chiffre est, il nous semble, d’une éloquence sans égale.

L’insignifiance des accidents qui peuvent arriver sur les chemins de fer, le peu de dangers qu’il faut redouter de leur usage, sont démontrés jusqu’à l’évidence par les résultats que nous venons d’invoquer. D’où vient donc que le préjugé contraire règne dans toute sa force, et que l’on ait tout l’air d’avancer un paradoxe, quand on affirme que les chances d’accidents sont infiniment plus nombreuses en voiture ou en diligence, que sur un chemin de fer ? C’est que la presse périodique, sans mauvaise intention d’ailleurs, tend constamment à entretenir ces préventions fâcheuses. Qu’un bateau à vapeur vole en éclats, — qu’une diligence vienne à verser dans un ravin, tuant ou blessant une partie de sa cargaison ; — que les voitures demeurent des jours entiers enfouies sous les neiges, ou arrêtées sur des routes impraticables, — que des charrettes, conduites sans précaution, écrasent les passants ; — on trouve cela tout naturel, on n’y fait aucune attention, parce qu’on en a l’habitude, et c’est à peine si le journal de la localité inscrit le fait dans ses obscures colonnes. Mais qu’un convoi vienne à dérailler sur le chemin de fer de Lyon, et à faire une véritable hécatombe nocturne, une capilotade de bœufs, tous les journaux s’empresseront de composer de cet événement, un récit dramatique, qui fera rapidement le tour du monde, grâce aux cent bouches de la presse de tous les pays.

Malgré les défectuosités qui sont inhérentes à toute œuvre humaine, le chemin de fer est