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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/446

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de cent quarante-sept pieds. L’expérience réussit encore très-bien.

On se transporta ensuite dans une grange, pour répéter le même essai sans replier la corde sur elle-même. On tendit en ligne droite une corde de cent vingt-quatre pieds de long, supportée par un cordon de soie placé transversalement : le fluide électrique se transporta parfaitement d’un bout à l’autre de ce long conducteur.

Le lendemain, 3 juillet, Grey et Wehler se disposèrent à répéter ces expériences, dans la même grange, en repliant une ou deux fois la corde de manière à doubler ou à tripler sa longueur. Mais un accident vint les contrarier. Le cordonnet de soie qui supportait cette longue corde se rompit. N’ayant pas en ce moment sous la main de cordonnet de soie plus fort, Wehler, qui ne considérait toujours dans ce support que le plus ou le moins de solidité qu’il pouvait offrir, va prendre un gros fil de laiton, et remplace par ce fil métallique, le cordon de soie qui s’était rompu. L’expérience est alors reprise.

Mais, résultat inattendu ! l’expérience échoue complétement. Le fluide électrique cessa d’être transporté à l’extrémité de la corde ; les corps légers n’étaient plus attirés.

Ainsi l’électricité se perdait par le fil de laiton servant de support, comme il s’était perdu par les ficelles de chanvre et les clous, dans la première expérience de Grey.

Le chanvre et les métaux offraient donc un passage facile au fluide électrique, tandis que la soie mettait obstacle à sa propagation.

Nos expérimentateurs, en effet, ne furent pas longs à se convaincre que c’était bien la nature de la soie, et non toute autre circonstance, qui empêchait la perte de l’électricité. Un fil métallique, quelle que fût sa grosseur, laissait toujours écouler le fluide électrique, tandis qu’un cordonnet de soie, quelque mince qu’il fût, le retenait toujours.

Poursuivant les mêmes recherches, Grey et Wehler reconnurent que le verre, la résine, le soufre, le diamant, les huiles, les oxydes métalliques, etc., ne livrent point passage à l’électricité, tandis que les métaux, les liqueurs acides ou alcalines, l’eau, le corps des animaux, etc., lui offrent une circulation facile. Il fut ainsi reconnu que les corps dans lesquels le frottement développe de l’électricité, sont mauvais conducteurs de ce fluide ; tandis que ceux qui ne s’électrisent pas par ce moyen sont bons conducteurs. Les physiciens comprirent dès lors, que si les corps bons conducteurs ne s’électrisent point par le frottement, cela tient à ce que le fluide électrique, à mesure qu’il est dégagé par le frottement, s’écoule immédiatement dans le sol, en raison de la conductibilité de ces mêmes corps.

Voilà par quelle suite de hasards singuliers Grey fut amené à découvrir le fait du transport à distance de l’électricité, et comment bientôt après, Grey et Wehler reconnurent que tous les corps peuvent être distingués en électriques et non électriques, c’est-à-dire en mauvais conducteurs et bons conducteurs. Ces observations marquèrent les premiers pas importants faits par la science de l’électricité.

Une remarque à faire en ce qui concerne le transport du fluide électrique découvert par Grey et Wehler, c’est que ces deux physiciens ne poussèrent pas cette importante observation aussi loin qu’il leur était permis et qu’il était facile de le faire. Grey et Wehler n’allèrent pas jusqu’à reconnaître ce grand fait, que le transport de l’électricité à distance n’admet aucunes limites. Ils annoncèrent avoir transporté les effets électriques jusqu’à sept cent soixante-cinq pieds, et ils n’allèrent pas plus loin.

Otto de Guericke avait vu l’électricité franchir seulement la longueur d’une aune ; Grey et Wehler constatèrent sa propagation jusqu’à sept cent soixante-cinq pieds. Il fallait de nouvelles expériences pour constater que le transport de l’électricité n’admet point de limites. Telle est la marche